Qu’il était flamboyant, le communiqué de presse du premier Fraise et chocolat. Alors qu’il invoquait à tour de bras les cautions esthétiques et littéraires, le parcourir consistait à pressentir la grande oeuvre. Les critiques furent d’ailleurs si séduits qu’ils le recopièrent en coeur. Libération, Le Monde, Bodoï et consort se retrouvaient ainsi à citer un tissu de références mensongères, à louer une prodige dont le travail se situait, dixit, « entre Reiser et Anaïs Nin ». Seul problème : mais où se cachaient ces soi-disantes ascendances flattées par l’éditeur ? A la limite dans, pêle-mêle, une certaine frontalité dans l’abord de la sexualité, « l’audace » d’être une femme, un dessin au trait rapide. Mais pour le reste : intelligence, élégance, virtuosité, courage… bref, l’essentiel, que nenni !
Le second volume sort enfin et, manque de bol pour lui, le service de communication est bien moins efficace. Il tente, un peu minable, de capitaliser sur le succès du premier en saluant l’accueil presse et public. Pour le coup, il semblait difficile d’invoquer Collette au secours de cet éloge du fist fucking – décalque de la main à la clé au cas où vous voudriez vérifier si la votre entre dans mademoiselle. D’ailleurs, au petit jeu de ce qui, si la dilatation est adéquate, entre ou non, sachez que celle de Frédéric, son compagnon plus âgé et lui aussi artiste, peine un peu au niveau de la paume (la pratique du dessin déforme probablement les articulations). A noter également que certains légumes, tel le concombre, ne posent aucun problème s’ils sont taillés de soigneuse façon. Mais cela n’est jamais sans provoquer quelques gênes, voire quelques inquiétudes, dès lors qu’il s’agit de les ôter sans s’esquinter l’oignon.
L’artiste avance ainsi, persuadée que sa sexualité est le fer de lance d’une carrière de grand talent, que sa relation amoureuse, jalousie et angoisses à propos de la différence d’âge qui la sépare de son amant, sont d’une arrogance folle. Le paradoxe de Fraise et chocolat, finalement, tient dans la dénonciation de cette phrase, repérée au détour du second communiqué : « L’amour et les vraies fausses naïvetés qui font le style incomparable d’Aurélia Aurita… ». Là est la fraude. Il n’y a rien de feint, ni dans cette beauferie ordinaire qui fait toute la différence entre un Reiser et un Bigard (dont elle est bien plus proche), ni dans cette béatitude qu’elle étale comme une provocation à la face du monde. Chacune des petites anecdotes, réactions enfantines et crises existentielles entravent d’ailleurs à intervalles réguliers ce qui se veut être un portrait de femme en accord avec sa sexualité. Désinhibé mais pas émancipé, racoleur mais sans but, Fraise et chocolat étouffe sous la carence de démarche. Pas même à la hauteur de ses contemporaines et piètres écrivaines Annie Ernaux et Catherine Millet (elles au moins revendiquent une recherche), Aurélia Aurita les rejoint néanmoins dans cette jolie famille d’arrière-garde qui n’a toujours pas compris qu’une libido assumée ne fait déjà plus partie des prouesses du XXIe siècle. Move on.