On se méfie pas mal de cette autoproclamée nouvelle gauche hollywoodienne dont Clooney et Soderbergh se font les garde-fous depuis quelques temps. Non que le projet en soit discutable évidemment, plutôt en ce que le résultat, à l’écran, paraît assez éloigné de l’idée que l’on se fait du cinéma engagé. De manière assez inespérée, Michael Clayton est bien supérieur à ses prédécesseurs (notamment l’anesthésiant Good night, and good luck de Clooney) : thriller juridique assez classique, le film a pour premier mérite de ne pas avoir été réalisé par Clooney lui-même, mais par Tony Gilroy, le scénariste de la trilogie des Jason Bourne. Premier (petit) film, et coup de (petit) maître déjà : il y a là un sens aigu du récit, on s’en doute, et une élégance qui ne doit rien à la pause chichiteuse attendue (la menace Robert Elswit à la photographie, et la beauté assourdissante qu’elle charrie), mais tout à ce plaisir simple de l’action et du beau geste qui semble gouverner le tout jeune cinéaste. Et Clooney, quand il se contente d’être acteur, est loin d’être un manchot de l’Actor’s studio.
Le film s’en tire bien, car bâti autour d’une telle intrigue paranoïaque (un avocat véreux se retourne contre la corporation malfaisante qu’il est sensé servir), on imagine sans peine ce qu’il aurait donné entre les pattes d’un faiseur : dialogues au sérieux carabiné, psychologie rasant de près, manque de vitesse et d’amplitude. Pire, ce qu’en aurait fait un styliste à la Soderbergh : trip creux se rêvant en plein Nouvel Hollywood. Mais Gilroy visse la réalisation à son récit serré, et avance malgré le côté musée seventies immobile qui pèse sur le projet. Le fait, par exemple, que les agents qui observent à distance les pérégrinations de Clayton n’agissent jamais dans le fil de l’action le dit bien : par excès de sérieux, les productions Clooney / Soderbergh ont une peur panique de l’action. Heureusement, Gilroy en fait son miel. C’est qu’un scénariste d’action réalise moins en termes d’efficacité qu’il ne pense toute sa mise en scène en actes : le moindre froncement de sourcils de Clayton, dès lors, devient menace ou gouffre pour le récit là où, chez d’autres, il n’eut été que suspension à velléités métaphysiques – au pire du psychologisme bobo, au mieux du sous-Michael Mann. A ne pas négliger donc.