Un slacker grassouillet et obsédé par les sites porno met accidentellement enceinte une jolie journaliste bécebege, et décide de prendre ses responsabilités. Beau temps, décidément, sur la comédie US. De cet épatant En cloque, mode d’emploi (qu’il réalise) à Supergrave (qu’il produit seulement – en salles fin octobre 2007), et en attendant le nouveau Farrelly bros., octobre voit se pérenniser le petit miracle de la formule Judd Apatow. Formule gagnante (double carton là-bas) de ses feel good movies distendus, théorisée il y a deux ans dans le parfait 40 ans, toujours puceau, et sur laquelle nous revenons dans les grandes largeurs dans Chronic’art #39. Précisons-le, à toutes fins utiles : En cloque, pas plus que 40 ans, ou le prochain Supergrave, n’est particulièrement hilarant. Comme eux il se déploie sur près de deux heures, refusant de sacrifier au déroulé industrieux des coups d’éclat comiques (quoiqu’il y ait bien matière à se bidonner), pour lui préférer la patiente élaboration d’un discours. Discours amoureux, cela va de soi, mais si En cloque et les autres emballent tant, c’est précisément par leur capacité à tisser de vrais enjeux sur le canevas fatigué de la sex comedy de base. Infiniment généreux, drainant leur belle énergie lo-fi (40 ans, En cloque : petits objets générationnels et next door, sans un gramme de cynisme, humbles jusqu’à l’autisme) vers leur attachante passion du portrait (après le puceau Carrel, ici le geek Seth Rogen, simplement parfait), les fruits de la méthode Apatow se récoltent, donc, sur ce terrain éclatant où la comédie US next gen, depuis quelques années, rayonne sans partage.
L’éclatant succès de cette constellation, Judd Apatow en est l’orfèvre de longue date : parmi la poignée de pépites sorties ces dernières années, il n’y a guère que Dodgeball ou le brillant Serial noceurs qui, à notre connaissance, échappent au label Apatow. Mais Serial noceur, au fond, était nourri d’un amour identique pour ses personnages, pareillement lovés dans une narration qui, systématiquement, travaille à les rendre souverains sur les situations. Ce serait un peu le secret de la recette, et son paradoxe, qui la voit reconduire au cinéma ce qu’elle a appris de la télé, tout en détournant sans fin les ressorts du pur comique de situation. Qu’on évoque les Farrelly pour vanter le talent d’Apatow, c’est bien légitime (même sacerdoce moraliste, même amour des freaks, même négoce entre trivialité frontale et humanisme béat) ; pourtant ni leur patrimoine ni leurs enjeux propres n’ont grand chose en commun. Les comparer sur un strict plan de cinéma serait injuste pour Apatow, tant la mise en scène, ici, peut sembler anémique au regard de la flamboyante sophistication des Farrelly. Reste que, se développant comme son revers naturaliste et distendu, le cinéma d’Apatow emballe au fond pour des raisons assez proches, fait mouche depuis un identique point de jonction entre absolue contemporanéité et prise en charge des enjeux les plus classiques de la comédie US. Ici, comme dans 40 ans, éloge de l’amitié et du bon voisinage, triomphe de la communauté sur la norme, utopie midinette des sidekicks réunis où les prom queens tombent amoureux des gentils grassouillets juste comme ça, parce qu’ils sont super chouettes. Quelque part entre Capra et Nick Hornby, un programme, somme toute, assez irrésistible.