Sans moi est l’adaptation d’un roman de Marie Desplechin. Anna, récemment divorcée, embauche une jeune fille pour s’occuper de ses deux enfants. Tout se passe bien, la fille, Lise, est parfaite avec les moutards, mais la maman, d’emblée séduite, en apprend de belles : la nounou est une petite reine de la nuit, elle s’en met plein les narines et fricote avec des types louches. On est sensible, de prime abord, aux plans qui ouvrent le film, et qui s’échinent à trouver sans délai un rythme et une attention à la mise en scène – parcs, immeubles parisiens découpés par le cadre. On croit alors qu’Olivier Panchot va s’attacher en premier lieu à filmer son décor. On s’aperçoit ensuite que cela ne l’intéresse pas, au contraire de cette intention pour interviews de dossiers de presse : filmer les corps. Filmer les corps, la belle affaire. Une statistique : en exagérant un peu, on va dire que, allez, un plan sur trois est un gros plan sur l’un des personnages, de trois-quarts profil, qui s’allume une cigarette et souffle la fumée avec une mine catastrophée. Serrée, vissée sur l’épiderme des personnages, la caméra les étouffe.
C’est dommage parce qu’en parallèle de cette maladroite et naïve crise d’envie de filmer des corps, il y a un récit qui court, et surtout des personnages qui se font des choses, de l’effet. Pas tous certes (l’amant d’Anna, et l’ex-amant de Lise, pas franchement une réussite), mais enfin le rapport entre les deux femmes est plutôt bien amené, et même quand le réalisateur tente de petites visions fantasmatiques, ça passe à peu près. Dommage, cette foutue mise en scène chichiteuse à souhait, qui plante tout et empêche le film d’être au moins ce qu’il s’était promis d’être : un petit drame en appartement, pas le plus folichon des genres, certes, mais qui aurait pu être honorablement agencé. Le chichi, les manières, les clopes qu’on s’enfile le coeur lourd comme un cheval mort, et une scène de boîte particulièrement foirée ramènent le film à sa pauvre réalité : un drame psychologique avec des morceaux de corps-filmés dedans. Sans nous, donc.