On pourrait se laisser prendre par le titre séduisant mais déjà, le pitch agraire vous met la puce à l’oreille : Etienne est employé dans un élevage de dindons en Ardèche pour masturber les volailles dont la reproduction faiblit dangereusement. Une farce ? Loin de là, Jaudeau ne plaisante pas, et se lance sans finesse dans un déballage poético-symbolique bêta qui se prétend sans doute dérangeant mais qui apparaît surtout volontariste et ridicule. Le dindon a bon dos : comme souvent, l’animalité endosse une foule confuse de refoulés divers, d’organique salace en tous genres, bref, « bestialité » conviendrait mieux.
Les dindons élevés en hangar servent de métaphore pas subtile à la condition humaine. Mis à part le désagrément de voir filmer ces pauvres bêtes disgracieuses pendant de longues minutes sous toutes les coutures – mais soit, la nature est multiple -, c’est davantage les liaisons lourdingues entre l’homme et la bête qu’il faut se coltiner pendant cette sinistre histoire. Chairs de poules et visages mouligasses, gloussements de pécores et bien sûr en bout de course sexualité aviaire chez les humains. La basse-cour prospère à loisir et agglutine autour d’elle bien des bestioles avec comme mot d’ordre l’idée vague d’une violence ancestrale. La pâtée indigeste nous rassasie de sangliers noyés et de chiens pendus balancés comme les signes magnifiques de la nature sauvage.
En avançant, le film accélère encore la cadence de l’imagerie. Chaque plan croule sous un amas sursignifiant. Dans la remontée laborieuse aux pulsions primales, un homme se baigne de nuit dans les gorges de l’Ardèche et ressort en hurlant, une femme annonce qu’elle est « engrossée », une vielle boulangère nous parle au détour d’un plan de ses règles revenues, un enfant mange un pain saupoudré des cendres de la morte et le héros finit par caqueter tout nu dans son salon. Tout cela accompagné d’un défilé de pulls en pure laine vierge tricotés main et de bottes en plastique bien du coin. La Part animale fantasme une campagne profonde à coups de clichés.
Homme, femmes, enfants et animaux pataugent dans un identique amalgame de drame psychologique (lignes haute tension et musique dissonante à l’appui) et de fiction métaphysique estampillé « produit à la ferme ». Quelques plans de nuit sur le hangar à bestiaux éclairé par les néons font regretter la grange de l’Irlandais Isolation : aussi mutant soit-il, l’animal au moins y gardait son mystère.