Marie vit près des plages du Nord, là où s’échouent les clandestins qui errent entre centres d’aide, tribunaux et planques vétustes. Elle peine à se lever le matin ; les fins de mois sont aussi difficiles que les jours lui semblent ternes. Par hasard, elle se retrouve un jour à aider dans un centre. Elle y retournera le lendemain à la première heure, puis les jours suivants ; et se perdra finalement dans la misère des réfugiés.
Chez Olivier Adam, les flics et les juges sont vraiment très méchants, et il faudrait un coeur de pierre pour ne pas tressaillir devant la tristesse et l’injustice de certaines scènes. On se sentirait presque coupable de ne pas confondre le réel et le roman. Un roman plutôt mal écrit, aux effets de style démonstratifs (la lumière n’est pas blafarde, mais « malade »). Adam a sûrement voulu écrire un récit âpre, osseux, sans artifice, au coeur de la noirceur des choses. Mais au lieu d’être lucide, son texte se perd dans les bons sentiments et se prend les pieds dans les obstacles qu’il a lui-même semés sur son parcours. Ainsi, on n’échappe pas à la scène de sexe où soudain, de manière assez comique, Marie considère qu’il est l’heure de tailler une pipe à son mari et s’y attelle donc sans tarder, sous le plafonnier de la cuisine. Une petite piqûre de rappel, au cas où le lecteur aurait oublié qu’il lit un texte qui ose voir la crudité des choses, et pas une bluette lisse et commerciale.
L’emploi de la première personne contribue à l’échec : on soupçonne l’auteur d’avoir voulu écrire des choses fortes, donc il fait parler une femme qui a du vécu. Mais, toujours en quête d’effets, il ne cesse de faire de grands signes pour dire qu’il est encore là, caché derrière, et nous montrer ce dont il est capable. Le résultat : une langue improbable, entre les tics de l’écrivain et son fantasme du « parler et penser populaire ». Rendons-lui grâce malgré tout de nous offrir, en cette rentrée littéraire, un titre qui se prête à de nombreux et joyeux jeux de mots, et remercions-le de nous mâcher le travail : à l’abri de rien, notamment pas de la facilité ; à l’abri de rien, notamment pas des gros sabots qui roulent sur les tambours ; à l’abri de rien, notamment pas d’un roman qui sonne faux et rate complètement son sujet.