Avouons d’abord que l’on se demande bien pourquoi ce petit film assez insignifiant non seulement sort en salles, mais en plus s’est offert quelques avant-premières de luxe, de la Piazza Grande de Locarno au festival du cinéma américain de Deauville. Peut-être les vendeurs de cette fabulette positive, au sens raffarinesque du terme, ont-ils derrière la tête l’idée de faire un joli coup – genre « film surprise de la rentrée ». Ou bien, hypothèse carrément glauque, cette mise en avant est-elle un moyen de capitaliser la mort tragique de sa réalisatrice, Adrienne Shelly, actrice fétiche de Hal Hartley, assassinée par son plombier en novembre dernier. On préfère ne pas y penser, mais notons tout de même que Waitress a mis deux ans pour parvenir jusqu’à nos salles.
Adrienne Shelly, en tout cas, est bien vivante dans Waitress, elle joue la copine nunuche de l’héroïne, laquelle est également une gentille fille. D’ailleurs les filles sont toutes gentilles dans le film : c’est un film de copines. C’est aussi un film sur les tartes : Jenna en fait par paquets de dix, et rudement bien avec ça – c’est la reine des tartes. A telle point qu’elle s’est mariée avec un crétin de tout premier ordre. His name is Earl, c’est un beauf machiste et violent avec un pois chiche dans la tête. Le bougre a mis Jenna en cloque. Elle se désespère, mais heureusement, elle tombe amoureuse de son doc gynéco (un type super sympa, voire sensass, mais marié), et surtout elle confectionne tartes sur tartes, tartes à ceci et tartes à cela, ça lui rebooste le moral d’un coup, paf !, et même – peut-être ! – ça l’aide à donner un sens à sa vie. Il y a quinze ans de cela, Tom Hanks, neuneu en chemise à carreaux, bouleversait la philosophie occidentale en osant une stupéfiante comparaison entre la vie et une boîte de chocolat. Waitress propose une nouvelle révolution : la vie, c’est comme une tarte, on en fait ce qu’on veut. Dingue.
Pour le dire sans préchauffage à thermostat 10 : le film est aussi simplet et cucul qu’il en a l’air. Alors on nous dira que oui, c’est une jolie histoire pleine de bons sentiments, une mignonne pâtisserie qui vous mettrait la pêche à des brouettes de lectrice de Biba récemment larguées et que quoi, faut pas s’énerver pour si peu. Ah, mais on ne s’énerve pas, on signale l’existence d’un film, on livre juste une information : en attendant le prochain Wong Kar-wai et sa sarabande de blueberry pies, voici le film tarte de la rentrée.