L’ouest sauvage et les jeux vidéo partagent la même attirance coupable pour les armes à feu, voire une certaine tendance à vouloir les glorifier. Bizarrement, le western n’a que très rarement servi de background aux grandes épopées numériques, et plus particulièrement aux FPS, le genre préféré des adhérents de la NRA. Après de nombreuses tentatives infructueuses comme l’abominable Dead man’s hand, le salvateur Call of Juarez redonne le sourire aux joueurs fans de Sergio Leone et d’Enzo Castellari. Car c’est le « western spaghetti », bien plus que John Ford, qui est au coeur des inspirations de Call of Juarez. Le pitch : deux personnages principaux, le chasseur et sa proie, à la recherche d’un trésor maudit. Découpé en plusieurs épisodes, le jeu alterne les points de vue sur les événements en cours et adapte le gameplay en fonction des nécessités du personnage incarné. Pour le fuyard Billy, des séquences de plates-formes, des courses à travers les grands espaces de l’Ouest américain et des phases d’infiltration ; pour sa nemesis, le Révérend, des gunfights extrêmement nerveux.
Si l’intention est louable, et les transitions entre les histoires toujours malignes, les deux hommes ne se jouent tout de même pas sur un pied d’égalité : l’aventure de Billy est malheureusement nettement moins équilibrée que celle du Révérend. Half life avait déjà montré les limites des phases de plates-formes en vue subjective, Call of Juarez achève la démonstration : de nombreux sauts au-dessus du vide finissent au fond d’un canyon, la faute à un contrôle mollasson et à une appréciation difficile des distances. Plutôt contrariant. Avec le Révérend, en revanche, Call of Juarez donne exactement ce que le joueur est en droit d’attendre d’un FPS western : des gunfights à n’en plus finir, des duels au soleil, des rebondissements à gogo et de longues chevauchées avec un gang d’outlaws à ses trousses.
Parfois étonnamment moderne sur certains points, avec sa narration à deux voix ou ses armes qui s’usent et peuvent exploser à tout moment dans les mains, Call of Juarez est aussi particulièrement vieux jeu sur d’autres aspects. D’où une progression bancale : l’obligation de ramasser les munitions via une pression sur le bouton X est pénible, l’absence totale d’indications lors des énigmes fait perdre un temps inutile en considérations fumeuses, là où un simple indice aurait suffit à conserver un rythme général soutenu. Enfin, le fait de ne pas pouvoir explorer un monde qui apparaît pourtant à l’oeil aussi vaste que celui d’Oblivion fait soulever quelques doutes quant aux partis pris de level design.
Paradoxalement, Call of Juarez s’affranchit assez bien de ses défauts, grâce à son ambiance soignée et sa réalisation technique impeccable. Et surtout grâce à ses nombreuses bonnes idées qui feraient presque oublier les mauvaises : les duels et leur gameplay « mimétique » suffisent presque à justifier le jeu ; les gunfights dans les « pueblos » avec leurs ennemis jaillissant du moindre trou à rat apportent une tension dramatique assez remarquable… Mais la plus grande qualité du titre, c’est de donner cette impression tenace de ne pas simplement jouer à un « FPS de plus ». A l’Ouest, enfin du nouveau.