La true story de Clifford Irving, génie pathologique de l’arnaque, qui a bluffé l’Amérique en signant une fausse autobiographie d’Howard Hughes, alors muet depuis quinze ans. Sous la caméra de Lasse Hallström, fabriquant de soupe de Miramax durant les années Weinstein, on pouvait s’attendre au pire. En fait non, Faussaire possède ce petit rien de raffinement, ce zeste d’incarnation et de malice qui font les petits films intéressants. Hallström reste Hallström, un technicien à l’humanisme sirupeux, un cadreur de stars visant un classicisme discret, à l’ancienne. Mais son cinéma, fluctuant selon les scénarios, est tombé sur un pic. Enfin une bonne histoire, rythmée, à sous-couches, livrée clé en main.
Tout est affaire d’attelage dans Faussaire. Arnaque + années 70 + Richard Gere : l’équation ne fonctionne qu’à condition d’en exclure la mise en scène. Ce qu’a compris Hallström qui suit le mouvement à la manière du complice maladroit d’Irving (Alfred Molina, très bon), navigue entre empathie, stress, bonhomie et saillies narquoises. Ce qui est génial dans Faussaire, c’est qu’on ne cherche pas à nous rouler dans la farine. On éclaire les coulisses, on partage les plans des acteurs qui les élaborent sous nos yeux. D’où un rapport affectif au genre lui-même, vu comme une vaste boîte à outils dont on découvre progressivement les potentialités : apprendre à composer des faux papiers, imiter Hughes, piquer un manuscrit, tenter un coup de poker. L’ouverture qui montre le staff de Richard Gere attendre l’hélico d’Howard Hughes est dans le genre assez remarquable : les deux fils dramatiques (mystifier les autres – arnaqueur compris – et nous-même) s’entrecroisent, mais ne s’emmêlent pas. Autrement dit, peu importe que le véritable Hugues débarque ou non, le canular remodèle le monde, l’abreuve de plaisir et d’adrénaline.
Où se situe Hallström dans cette mécanique d’écriture de scénario ? Il s’en remet à son rôle de godillot des stars (cf. Une Vie inachevée, costume taillé pour Morgan Freeman, Robert Redford et J-Lo) ou confie la télécommande aux acteurs, puis les regarde s’en servir. Le transformisme de cabaret propre au biopic s’en trouve quasiment théorisé : le cheveu brun de Richard Gere, l’accent teuton de Marcia Gay Harden, tout cela est ouvertement artificiel, considéré trivialement comme un accessoire de pure mascarade, éventuellement de fenêtre ouverte sur le passé si l’on se concentre sur Gere. L’acteur, littéralement revenu à ses glorieuses années Malicko-Schraderienne, livre en creux une autocritique attachante. Oui, Clifford Irving c’est aussi Richard Gere, séducteur sans mystère et, du coup, un peu trop voyant, légèrement méprisé (sex toy, chair à poster, un archétype quoi). Une belle image dont les entailles, les creux et les bosses ne dégagent aucune zone d’ombre.