Double constat en forme de confirmation, au sortir de la projection cannoise de ces Chansons d’amour. D’abord, la confirmation que, de ce cinéma-là, de ses affects deux-pièces cuisine, de son bon goût barbiturique (cf. le blog cannois), de son Louis Garrel et de ses vestes en velours, on se contrefout bel et bien. Mais en même temps, celle que ce giron-là, que l’on voudrait tenir autant que possible à distance, s’est trouvé en la personne d’Honoré un ambassadeur avec lequel on pourrait au moins, disons, négocier. Rendons grâce à ces Chansons d’amour de ne nous avoir pas énervé, c’est déjà beaucoup. Son esthétique lo-fi, probablement, y est pour beaucoup : l’impression que le film s’est fait à l’arrache, flottant avec une décontraction assez charmante entre ses enjeux inertes, le tout avec un désir moyen, tout ça travaille en fin de compte à souligner l’aisance d’Honoré, son talent décontracté mis au profit de films dont, on le répète, on n’a que faire, mais que l’on peut au moins trouver plaisants.
Alors bien sûr, il faut se farcir le premier tiers du film, son programme prévisible, l’atavisme Nouvelle Vague (citations plein cadre de Domicile conjugal ou La Maman et la putain, surmoi godardien dès le générique, et on ne parle pas de Demy), le play-boy du quartier latin. Du côté de Demy, et même si l’intention est bien là, on est quand même un peu effaré d’entendre ici et là adouber l’hommage, tant ce petit machin feignant est loin de la rigoureuse arithmétique pop de l’autre. Bref, à la fin de ce premier tiers, donc, le film fait ce qu’il avait de mieux à faire (et là-dessus, espérons qu’il fera école) : dégager Ludivine Sagnier. Crise cardiaque, comme ça : Ludivine même pas cocaïnomane, qui a toujours retiré le gras du jambon, mais, juste pas de bol, pouf elle s’évanouit, direction ad patres pendant un concert de nouvelle chanson française (ah c’est peut-être ça…).
On se moque, mais Honoré s’en tire plutôt bien de ce virage tragique qui va redéfinir son petit vaudeville inaugural (Louis et Ludivine, en fait, faisait ménage à trois avec une jolie brune depuis quelques mois). Le reste suit son cours (le deuil, les nouvelles rencontres, la belle-famille qui s’incruste, Roüan et Mastroianni, très bien toutes les deux), parvient même à installer un petit climat et à lier la sauce avec des chansons pourtant atroces. C’est d’être, ainsi, infiniment velléitaire, tout sauf grand gueule, que ce Honoré nouveau parvient finalement à instituer un soupçon de connivence, et même à provoquer un adoubement poli. Ça va pour cette fois, donc, en espérant surtout que se tourne ici une bonne fois pour toutes la page des chansons populaires au cinéma, qui commence sérieusement à nous gonfler.