On peut facilement réduire King of California à un produit de consommation indépendant, sorte de film bio produit à grande échelle en vue d’un bénéfice de 200 %, vente de DVD comprise. Historiette déjantée reposant sur des affects universels et inébranlables (l’amour compliqué d’un père et sa fille), tribune offerte au talent comique de Michael Douglas, codes esthétiques éprouvés par le passé (des frères Cohen à leur cousin caché Alexander Payne, ici dans le rôle du producteur), le film de Michael Cahill choisit l’indépendance où l’imagination débridée ne trouve de limite que dans un formatage douillet.
King of California n’en demeure pas moins agréable, la mécanique du film, son sérieux assurant le spectacle. Michael Douglas campe un joyeux illuminé sortant de l’asile, obsédé par la quête d’un mystérieux trésor de conquistadores espagnols planqué dans une zone industrielle. Première victime de sa folie, son adolescente de fille, résignée depuis longtemps à tenir les cordons de la bourse. Victime consentante, à l’image du spectateur : la maladie mentale de Papa Michael est tordante et poétique, elle pimente ici le quotidien d’un esprit anarchiste sympathoche, elle incite à l’ouverture cool, notion que Forrest Gump ou Nicolas Sarkozy ne renieraient pas : « réalisez vos rêves, même les plus fous », est facilement modulable en « aujourd’hui tout devient possible ».
Le problème tient malheureusement dans la naïveté d’un tel programme, lame de fond qui finit d’emporter le film dans l’anecdotique pur et simple. Il faut dire que la mise en scène ne contredit jamais cet enchantement en kit. S’il en rêve, Cahill n’est ni les frères Cohen ni Alexander Payne, encore moins un Hal Hashby, autre référence avouée du film : pas de noirceur ni d’ironie, le réalisme ne trouve de forme que dans un décorum calibré par les studios. D’où une densité particulièrement faiblarde tant la comédie humaine de King of California paraît reconstituée, perdue dans une stylisation publicitaire. Pourtant, il existe de belles idées visuelles (les séquences dans le Bricorama souvent brillantes), et pour le cinéaste, une maîtrise certaine de ses moyens (le malaise échangiste, plutôt subtil). Il faut éclipser volontairement le côté machine à Oscars, la petite musique gentillette, l’abattage de Douglas (assez bon par ailleurs) pour considérer King of California comme la victoire de l’individu sur les masses silencieuses.