Danny Boyle est un cinéaste touche-à-tout, au sens lourd du terme. Après les colocs tueurs, les junkies, les morts-vivants priapiques et autres enfants messies, voici les cosmonautes. Ce qui fait lien ? Le trip bien sûr, et tout ce qui permet au cinéaste de jouer entre naïveté de gosse et pompiérisme métaphysique. Sunshine a pour lui de se révéler par strates, comme une sorte de gros moka où se rencontreraient Alien, Mission to mars, Léviathan, 2001, Starcrash, Solaris et Jason X. La chance, c’est que si le film tient de sacrées couches, celles-ci se côtoient sans jamais fusionner : on peut ainsi apprécier une partie (la montée en tension initiale) sans que cela n’empêche en rien de trouver hilarante une autre (l’arrivée du commandant zombie d’un autre vaisseau dans l’avion). Malgré le ridicule absolu du postulat de départ -une bande de Playmobils est chargée d’injecter un suppositoire atomique dans le soleil pour le remettre en état de marche-, le film commence donc plutôt bien. On savoure cet art de Boyle à mettre tout son coeur dans des détails apparemment anodins (les jolies combinaisons dorées des astronautes), manière de rappeler qu’on est ici dans un cinéma de pur flottement, un cinéma d’adolescent qui rêvasse -et le genre s’y prête particulièrement bien.
L’art de la griserie cinétique, dans lequel Boyle est loin d’être manchot, trouve néanmoins rapidement ses limites. La phase « trip » (tout le dernier tiers) tente ainsi de doubler les abstractions formelles du film d’une pesante réflexion sur la condition humaine, la notion de sacrifice, Dieu, le cosmos, l’homme réduit à l’état de poussière, etc. Le tour de train fantôme en apesanteur, ce côté forain du futur qui caractérise Boyle depuis toujours (direction artistique toujours impeccablement technoïde), tente alors maladroitement de dissimuler son manque de maturité. Cette puérilité, visible dans l’obsession du cinéaste pour tout ce qui touche à la consommation et ses excès (il faut désormais se partager l’oxygène comme auparavant un appart, de la drogue ou un butin), fait gonfler le film jusqu’à éclatement : bouillie des images et des sons, montage incompréhensible, mièvrerie finale. Il y a comme un hiatus entre l’envoûtement de la première partie et cette explosion désolante de vanité de la seconde. Boyle n’est pas plus à l’aise avec l’enfance (pas assez naïf) qu’avec l’âge adulte (trop simplet), c’est un cinéaste adolescent dans tout ce que cela peut comporter de belle envolées et de poussées purulentes d’acné. Résultat : la chrysalide a de charmants atours, mais le papillon qui en sort est obèse.