Bonne surprise. Après plusieurs greffes hollywoodiennes dégénérées (cf. Otages), le cinéma de Larry Clark s’intègre enfin correctement au système. Alpha dog en est, ni plus ni moins, une version light et people. Le film raconte le kidnapping d’un ado de 15 ans par une bande de loubars des beaux quartiers, lassée des dettes de son grand frère, un néo-nazi dopé au crack. L’originalité tient ici à ce que l’otage s’estime plutôt verni, ébloui par l’intérêt que lui porte la communauté des caïds. Nul besoin d’être menotté au radiateur d’un sous-sol, il exhibe au grand jour son statut de prisonnier dans les soirées orgiaques organisées par ses geôliers. Lesquels se prennent d’affection pour lui : Justin Timberlake fait tourner son joint puis le branche sur ses copines. Seulement voilà, les parents s’inquiètent et le jeu de cons s’efface devant l’implacable réalité judiciaire. La bande risque la prison à vie, à moins qu’un volontaire ne supprime l’otage.
Alors que la tragédie se profile, on suit en parallèle les hypothèses pas très subtiles de Nick Cassavetes sur l’origine du mal. Rien de grave, en même temps. Alpha dog est un film de scénar. Il fonce droit sur les rails du fait-divers dont il est issu, structuré par l’univers de Clark : beuveries, culte du petit chef, sexualité grivoise du djeuns, mystère insondable de sa candeur et de sa violence. C’est aussi un film d’acteurs. Normal, le casting est composé de jeunes pousses sillonnant les plateaux depuis longtemps -jouer au petit pro, travailler la tchatche et la posture, ça les connaît. Le ravisseur en chef Johnny Truelove est campé par Emile Hirsch qui prolonge son rôle de skateur déjanté des Seigneurs de Dogtown : physique rabelaisien, regard pétillant d’agressivité, un petit bosseur de la subversion. Justin Timberlake n’est pas mal non plus. Lui aussi fait son job. A l’image de ses performances scéniques et de ses clips, il tresse habilement virilité et imposture, ciselant la coolitude adolescente jusqu’au maniérisme.
Tout cela est donc bien troussé, d’autant que la correspondance béate avec le réalisateur de Kids crée une empathie naturelle du film avec son sujet. Nick C. comprend parfaitement, voire mieux que son maître, la griserie du faible quand la lumière lui est offerte, son égocentrisme, sa tétanie, son impuissance face au monde. Ses interventions sont rares, comme s’il ne pouvait pas en placer une, l’intrigue se déroulant d’elle même : tout juste un comptage prosaïque des suspects et des témoins, à peine une ouverture laborieuse. On y voit Bruce Willis, pervers pépère à moumoute, rembarrer un journaliste l’accusant d’avoir encouragé ce qui va suivre. Pire, à mi-film : le même exercice se répète avec Sharon Stone, customisée obèse par des prothèses de silicone rappelant Didier Bourdon dans Le Pari. Deux grumeaux dans la mécanique, comme pour rappeler que Nick Cassavetes ne s’est pas encore trouvé : sa grammaire du paraître, de la performance sur-jouée ne s’adapte qu’à la représentation de l’adolescence.