Malgré ses intentions louables, Le Retour de l’idiot ne fera pas renaître de ses cendres un cinéma tchèque qui connut son heure de gloire lors des année 60, époque de sa nouvelle vague et de son digne représentant Milos Forman. Cinéaste de la nouvelle génération, Sasa Gedeon a bien du mal à soutenir la comparaison car son film concentre sans grande surprise le gênant travers qui caractérise souvent les films de l’Est : l’intellectualisme au détriment de l’affectivité.
Très conceptualisé, le scénario du Retour de l’idiot ne fait pas l’économie, loin de là, d’une structure savamment agencée dans laquelle chaque scène s’imbrique précisément afin de donner au tout une cohérence (trop) calculée. Le film se présente comme l’adaptation assez libre du roman L’Idiot de Dostoïevski déjà magnifiquement porté à l’écran en 1951 par Akira Kurosawa. Frantisek revient dans sa famille après avoir passé une bonne partie de son existence derrière les murs d’un asile psychiatrique. Vierge de toute l’expérience qui forme l’existence sociale telle qu’elle est communément vécue, le jeune homme est en constant décalage avec ses proches tout en ayant dans le cœur une fraîcheur d’esprit qui en fait le témoin privilégié des destinées sentimentales d’autrui. Il se retrouve ainsi pris malgré lui dans un marivaudage amoureux dont il essaiera en vain d’obtenir le dénouement heureux. Pratiquant à l’excès l’art de l’ellipse (on met un bon bout de temps à comprendre les liens qui unissent les personnages) et les variations sur le hasard, le cinéaste crée un décalage sur l’action gratuit qui enlève au récit une grande part de naturel. Du coup, le concept semble l’emporter sur la force des sentiments, et Le Retour de l’idiot manque cruellement de chair. Seul souffle de liberté présent dans cet exercice apprêté, les moments où le cinéaste laisse errer son regard sur ses contemporains et parvient à capter l’ambiance surfaite d’un réveillon ou le désespoir de certains visages dans les bars d’une rue déserte. Dommage que des tics auteuristes (la mauvaise idée de faire saigner du nez son héros chaque fois qu’il souffre de compassion pour autrui, les flash-back démonstratifs qui lui font revivre son passé à l’asile) empêchent le spectateur de ressentir en retour l’empathie du cinéaste avec son sujet.