Johnny Blaze fait des cascades en moto avec son papa dans les fêtes foraines. Bonheur absolu : il roule des pelles à une petite Latina quand il ne trifouille pas dans sa bécane. Seulement voilà, le paternel choppe un cancer du poumon. En quête d’un nouveau Ghost rider, chevalier du mal et homme à tout faire, le diable saute sur l’occasion. Il sauve le père de la maladie en échange de l’âme du jeune homme. Arnaque bien sûr : si les métastases du père disparaissent en une nuit, il dérape le lendemain sous l’oeil malicieux de Méphisto. Dix ans plus tard, Blaze, devenu le David Copperfield de la moto, s’en veut toujours à mort. Il a renoncé aux femmes et à l’alcool et lit des bouquins sataniques super déprimants. Mais alors qu’il retrouve son amour d’adolescence, le diable le bipe d’urgence. La nuit, il enfile son perfecto et se transforme en Skeletor qui fusille les bad guys, à coup de chaîne et de regard de braise.
Enième adaptation Marvel au cinéma, Ghost rider revendiquerait presque cette dimension de fin de série dont souffrent les dernières livraisons type Daredevil du même Mark Steven Johnson. Ce n’est pas toujours un mal, comme ici d’ailleurs, tant le film avance à visage découvert, fier de s’en tenir à rien d’autre qu’un gros numéro de foire. Dans sa manière d’épouser au plus près la sociologie du public, Ghost rider apparaît même comme un documentaire impayable sur l’Amérique du sous-sol, ses fantasmes et mythologies. De mémoire, il faut remonter à Doux dur et dingue, série Z où Clint Eastwood trônait en icône rigolote dans un patelin de caricatures, pour retrouver le décorum utilisé comme un petit théâtre social et ludique aussi abouti. Vulgarité à tous les étages, rapport au religieux dégénéré (quand chrétienté et hard rock se donnent la main), bouillon de culture industrielle et consumériste (amour du cambouis, des stades et de la pyrotechnie), le film de Mark Steven Johnson dessine un monde cohérent, autosuffisant, structuré par et pour les masses.
En archange beauf, le choix de Nicolas Cage est évidemment idéal. Parce qu’on connaît depuis longtemps la fascination de l’acteur pour les redneks de multiplexes (Les Ailes de l’enfer ou 60 secondes chrono, deux sommets), fascination qui confine davantage à l’empathie qu’au cynisme. Car ne confondons pas la vulgarité de Ghost rider, resplendissante de santé, vrombissante, presque sophistiquée, avec celle d’un Taxi 4, distribuée à la louche. Il y a dans Ghost rider une générosité de principe, un coté banquet qui assigne la régression enfantine comme point de départ et non comme finition. Car la facture ne souffre d’aucune fumisterie. Il faut en accepter le kitch, l’absence de génie et les clins d’oeil de bas étage (Peter Fonda en Belzébuth à moto) pour que des images sortent du lot et trouvent une certaine beauté naïve : la monté d’un gratte-ciel en Harley flamboyante dans la nuit, la déclaration d’amour de Nicolas Cage roulant des mécaniques sur l’autoroute. Bref, c’est pas la grande classe, mais au moins Johnson, gentil geek ventripotent, a le respect de la personne humaine.