Bonjour Le Chat Qui Fume, jeune maison d’édition qui, à en croire les premiers titres de son catalogue, donne dans le délicat et les films super sympas comme Punk rock Holocaust de Doug Sarkman, transfuge de Troma, qui promet 110 morts à l’écran. En attendant de ramener à la vie Le Dernier survivant, un total inédit de 1964 avec Vincent Price, et de lancer une collection consacrée à la blaxploitation, l’éditeur a pour titre phare Carnival of souls (1962) de Herk Harvey, inédit lui aussi, du moins en zone 2, puisqu’il a bénéficié d’une édition chez Criterion. La jaquette, jolie, vend la mèche : le film hante les rêves de David Lynch et a inspiré Tim Burton et George Romero. Autant dire que le culte se renifle à pleines narines. Le film n’a cependant besoin ni de ce qualificatif dont on se méfie toujours, ni de ces parrainages officieux.
Réalisé pour une poignée de dollars par Herk Harvey, un inconnu qui donna surtout dans le court métrage, Carnival of souls vient du temps béni des sixties US, ambiance B movie et Quatrième dimension. Le film séduit d’emblée par son côté documentaire sur le Midwest, avec son défilé d’acteurs de quatrième zone limités mais tellement vrais, et cette géographie flottante (le film a été tourné à Salt Lake City), irréductible aux repères habituels des films de côtes, est ou ouest. Surtout, Carnival of souls est resté célèbre pour avoir anticipé une série de motifs appelés à être bientôt éternellement digérés par le cinéma fantastique américain. Ça commence par un accident : trois filles dans une voiture basculent d’un pont et s’enfoncent dans une rivière. L’une d’elles sort miraculeusement de l’eau, amnésique, et décide d’aller faire sa vie ailleurs. Embauchée comme organiste dans la paroisse d’une petite ville, elle est bientôt assaillie de visions et se sent poursuivie par un homme silencieux et blafard. Film sec, bref, tapissé d’orgues gothiques, ponctuées de visions, éclairé tout en contrastes. Bonshommes silencieux enfarinés qui surgissent comme de cauchemardesques gargouilles ou émergent lentement d’une eau imaginaire : les morts-vivants de Romero en seront bien sûr les héritiers. Et puis ce twist final, peut-être pas dur à deviner aujourd’hui, mais qui à l’époque devait faire un drôle d’effet.