Sale temps pour le cinéma de genre à la française, dont l’essor économique n’est pour l’instant pas suivi de progrès artistiques notoires. En témoigne cette horrible série Z signée Julien Séri, où Clovis Cornillac joue à Jean-Claude Van Damme au sous-sol des bars à putes. Réalisateur déprimant, ce Julien Séri. L’ensemble de son oeuvre révèle à elle seule l’incapacité du cinéma français à transformer ses bonnes intentions en bons films. On avait une chance de croire à la singularité du personnage quand il avait accusé Besson d’avoir dénaturé le scénario de Yamakasi, le film de cascades le plus mou de l’histoire du cinéma. Besson avait proposé un arrangement : garder les droits de son film et permettre à Séri de réaliser l’oeuvre qu’il avait en tête. Résultat : Les Fils du vent, inspiré, dixit le jeune cinéaste, par John McTiernan et Tsui Hark, avatar à peine plus virtuose que La Septième compagnie au clair de Lune.
Idem pour Scorpion : un Kickboxer avec Cornillac, pourquoi pas ? Déjà, l’acteur a le physique de l’emploi et sa franchouillardise naturelle pouvait augurer une alternative crédible au modèle américain. Hélas, Scorpion loupe le coche. Séri déroule le programme, à la fois survolté et laborieux, jouant une surenchère adolescente qui détruit tout sur son passage. Cinéma en mal de confiance, qui s’excuse en permanence d’exister, ne croit pas tant que ça à son potentiel, s’excite ou panique d’un rien. Prenons l’ouverture, modèle de lestage par le fond. Le postulat est pourtant classique (un boxeur, Cornillac dit « Scorpion », pète les plombs après un échec sportif), mais la mise en scène possède la grâce d’un scaphandrier en surface : voix- redondante et gravité de cours de récré (« La boxe c’était toute ma vie », « J’ai déconné, je dois payer », etc.).
En fait, Séri procède par empilements et déviations. Le genre est juste le point de départ d’une thèse ou d’un personnage. Lequel prend finalement toute la place, repoussant tous les enjeux dramatiques qui s’offrent à lui. Même un film plus ample et plus noble comme Million dollar baby se frotte plus directement au cahier des charges du film de boxe (préparation, combat, euphorie de la victoire). Séri n’y arrive pas, c’est plus fort que lui, il faut toujours qu’il rajoute un accessoire, qu’il bifurque, qu’il sur-introduise (la période de clochardisation du héros, un must). Le film bondit alors de cliché en cliché : psychologie discount, mélo social boutonneux, sadisme d’enfant simplet. Mais de boxe, de violence, rien ou si peu. Séri peut se retrancher derrière des tronches cassées, une photo granuleuse ou une musique techno, il n’a aucune idée pour filmer les combats, aucun sens du rythme et du découpage. Logiquement, les comédiens se retrouvent seuls à cabotiner. Souvent les mêmes qui, venus des films de Marchal ou Schoendoerffer, singent les voyous ou les flics : Cornillac, Francis Renaud, Marchal himself. Avant de les accabler, rendons-nous à l’évidence : il jouent mal parce qu’ils n’ont rien à jouer.