L’Amérique, on le sait, est de plus en plus friande de comédies régressives. Après Mary à tout prix l’année dernière, la séquelle d’Austin Powers débarque sur nos écrans. L’espion Austin Powers (Mike Myers) est une sorte d’anti super-héros anglais qui, lors de ses premières aventures, voyageait des sixties aux années 90 via la cryogénisation et affrontait son pire ennemi, le Docteur Denfer, avec l’aide de sa potiche de circonstance, Elizabeth Hurley. L’humour de cette mouture provenait donc essentiellement du décalage entre les coutumes du protagoniste et notre environnement fin de siècle.
Dans cet épisode, il n’en est rien, puisqu’Austin est de nouveau projeté en 1969 afin de récupérer son « mojo » (le fluide corporel qui le fait bander, sa libido) volé par le fourbe Docteur Denfer et ses dernières recrues, Mini-Moi (clone du tyran, mais miniaturisé) et Gras Double (dont le nom évoque parfaitement la teneur de la chose à l’écran). Enfin, à nouveau film, nouvelle bombe, et le spectateur ne perdra pas au change puisqu’il s’agit cette fois de la géniale et sublime Heather Graham (alias Felicity Bonnebez –sic), qui n’a malheureusement rien à jouer ici et qu’on préférera donc revoir dans les chefs-d’œuvre de Lynch, Van Sant ou Araki.
D’où est censé naître le rire ? Pour l’essentiel, du grotesque figuratif. Presque tous les personnages sont voués à une représentation soit en deçà (Mini-Moi), soit au-delà (Gras Double), mais baignant toujours dans l’outrance (Frau Farbissina -la démesure de la voix-, Austin et Denfer -celle du visage sursignifiant, de la grimace perpétuelle-, Felicity -celle du sexe). Les ressorts comiques fonctionnent donc essentiellement sur l’excès (du ridicule, voire du laid, ce qui s’avère assez déplorable) et seul Mike Myers réussit parfois à transformer les gags affligeants en véritables délires expressifs. Si l’on s’ennuie peu et que quelques idées parviennent à surnager (les intermèdes dansants, le choix de Tim Robbins pour interpréter le Président des Etats-Unis, comme un hommage à son film Bob Roberts), Austin Powers, l’espion… demeure dans l’ensemble un spectacle hypocrite, revendiquant son easy-esthétique alors qu’il est bourré de fric et ne parlant que de cul tout en osant effacer de l’image les parties génitales et les fesses de son héros lors du premier générique. Bref, sous couvert d’authentique vulgarité machiste, le puritanisme américain dans toute sa splendeur.