Un premier long-métrage directement programmé en compétition à Cannes, cela attise le minimum de curiosité que le piètre niveau des dernières sélections du festival n’a pas réussi à éteindre. Curiosité déçue. Film bancal. Ambitieux, mais ne sachant que faire de cette ambition. Piétinant au lieu d’avancer. Andrea Arnold ne manque pas d’idées, mais après, pour les agencer et en tirer quelque chose, c’est plus compliqué. Elle a des idées, mais pas une idée, une seule, qui conduirait le film. Or un film réussi, c’est avant tout un film qui a une idée, et qui la suit comme un fil.
Le scénario, d’abord : on découvre vite le personnage principal, Jackie, une jeune femme qui travaille pour une société de vidéosurveillance et passe ses journées devant une flopée d’écrans d’où elle épie la vie des habitants de Glasgow. Sur son moniteur, elle aperçoit un jour la silhouette d’un homme qu’elle connaît : un homme qui revient de son passé, qu’elle n’aurait jamais cru ou voulu revoir. Cet homme vient de sortir de prison.
On sait que la vidéosurveillance est omniprésente dans tout le Royaume-Uni, mais là n’est pas la question. Ce qui était un enjeu fort de mise en scène (la vidéosurveillance, par définition anonyme, affectée à une histoire personnelle) ne s’avère qu’un simple prétexte narratif. Ce gadget, au lieu de tenir le film, ne sert que d’embrayeur à une histoire de vengeance tordue, essoufflée : Jackie retrouve ce type, qui visiblement ne la connaît pas et, sans réfléchir vraiment à ce qu’elle fait, s’approche tout près de lui. Une femme face à son ancien bourreau, la fascination qu’elle éprouve inévitablement pour lui, ce genre de choses. Mais Andrea Arnold a cru bon de cacher ce qui lit les deux protagonistes, laissant son spectateur s’amuser avec cet os, échafauder des hypothèses. Elle voulait sans doute, en occultant le pourquoi de tout ça, que son spectateur soit requis par la relation des deux personnages, sans être troublé par la raison de ce rapport, mais c’est bien sûr le contraire qui se produit -on ne pense qu’à ça, et il devient impossible d’adhérer au scénario de l’approche du bourreau. Et c’est un peu malsain, surtout quand le mystère est révélé, dégonflé plutôt, tant toute la mise en scène fait croire quelque chose (il y aurait une injustice non réparée) avant de retirer ses billes. Un peu lâche, comme procédé.
Il y a toutefois, dans Red road, une belle scène, qu’on n’a pas oubliée : une fête a lieu dans un appartement de ces lugubres immeubles que le film cadre abondamment. La lumière est rouge, et les invités entonnent puissamment une chanson d’Oasis, comme un hymne prolétaire. Ce n’est pas que l’on soit particulièrement fan du fraternel duo, mais la scène est prenante.