Robert Altman vient de disparaître. A Prairie home compagnion, ironiquement titré The Last show par les distributeurs français, sera son dernier film. Eloge funèbre d’un art disparu, un show radiophonique enregistré dans un théâtre où des vedettes soul et country viennent chanter avec entrain devant un public d’habitués, The Last show n’est pas un très bon Altman, un de ceux dont on redoute sans arrêt les accents réacs. Qu’est-ce qui distingue le fait de filmer ce qui disparaît de la nostalgie ? The Last show ne manque pas de questionner cette nuance à son corps défendant tant chaque scène, chaque plan semble pris dans une gangue nostalgique qui donne au film son aspect compassé et poussiéreux. Trop nostalgique, pas assez mélancolique.
Ici tout ressasse (les personnages, les décors) sans jamais entrevoir la possibilité de s’ouvrir à un ailleurs, un dehors. Le rêve du cinéaste, manifestement, est de préserver cette bulle intemporelle où des acteurs, des chanteurs, des amuseurs publiques joueraient au passé devant un public conquis. Altman ne fait jamais intervenir ce qui pourrait relever de l’altérité, d’un fracas entre ce monde à deux doigts d’être englouti et le monde contemporain s’amenant sans vergogne pour prendre sa place. C’est sans doute là, dans cette difficile nuance qui sépare la nostalgie de la mélancolie, que le film échoue. La mélancolie au bout d’un moment n’a plus d’objet et c’est ce qui rend les films mélancoliques si beaux. La nostalgie, au contraire, consume dans l’adoration d’un objet mort, comme ce vieux théâtre dont Altman fait de certains de ses habitants des fantômes qui passent des coulisses à la scène.
The Last show contient pourtant quelques moments de grâce où les récits du passé, les regrets, tout l’attirail un peu pleurnichard dont les personnages sont les dépositaires, laissent place à la chanson. Là, le film oublie un peu de sa nostalgie pour laisser place à la force du présent, à la vitalité des corps et des voix des acteurs qui chantent réellement. Voir Meryl Streep chanter de la country, par exemple, c’est d’une réelle beauté.