Un éditeur (Edouard Baer) croise son ex (Marina De Van) dans un cimetière pendant que l’un de ses auteurs maison (Charles Berling), un observateur provocateur et cynique, ne prenne en photo la scène et l’envoie sans commentaire à la femme du premier. Laquelle, imaginant le pire, se venge en couchant avec un psy (Hyppolite Girardot), lui-même l’époux actuel de l’ex de l’éditeur. Vous suivez toujours ? Parce que Bonitzer s’en fout à moitié de ce marivaudage trouble. Des comme ça, il en fait d’autres, en mieux. Non que Je pense à vous soit irregardable, mais sa nature anecdotique pose question. Confronté à la production d’un cinéaste qui ne se presse pas et s’applique (quatre films en dix ans), impossible de limiter ce film au griffonnage désinvolte. Ce qui renforce la fausse modestie du dispositif et son cynisme absolu : narrativement, Bonitzer pourrait filmer l’exact contraire de son film, il ne s’en porterait pas plus mal.
Alors, pourquoi un tel film ? Penchons pour la fascination du cinéaste à tordre les trajectoires, déviant le récit d’une pichenette scénaristique ou d’un mouvement d’appareil. Voila qui faisait la beauté de Petites coupures, ces dérives lascives, ces poches gluantes d’étrangeté où s’évanouissaient personnages et spectateurs. Malheureusement, les allers et venues du marivaudage bobo mènent tout droit à une dialectique Eyes wide shut du pauvre. Fantasmes de triolisme rattrapés par la rivalité amoureuse, actes manqués en pagailles (avec du téléphone portable à gogo, coucou la modernité), fidélité en question, l’imagerie de la boboïtude parisienne ne dégage aucun espace de décrochage sinon les chausse-trappes habituels. Pour preuve le lesbianisme, livré en vignette grave et élégante, rituel de porno soft sur M6 dont Bonitzer partage la préciosité sacralisante. Rien à faire, ça ne circule pas ou trop peut-être dans ce film alourdi par son grand dessein réflexif (en amour, on souffre), lissé par de faux chemins de traverses (Marina De Van, dans un personnage pasolinien hautement ridicule). On peut le trouver cristallin mais creux, sa charge sociologique (du cinéma, du réel) tuant ses intentions dans l’oeuf. Regardez le casting : Baer en moi, Marina De Van en ça, avant même de battre un cil, ils sont ce que vous croyez. Ensuite, qu’ils le fassent bien n’a aucune espèce d’importance.