Ca commence comme les précédents albums studio de Patricia Barber, c’est-à-dire bien, avec une reprise de The Moon (qui ouvrait déjà son album Verse en 2002) et, d’emblée, un sommet intitulé Morpheus. Récipiendaire en 2003 d’un prix de la Fondation Guggenheim, la pianiste et chanteuse américaine s’est lancée dans un projet pour le moins ambitieux autour des Métamorphoses d’Ovide. « Il proposait une vision différente de la mythologie grecque, explique-t-elle. J’ai été sidérée de voir quel écrivain merveilleux il était, et à quel point les personnages qu’il a créés sont drôles et intelligents. J’ai réalisé que je pouvais écrire à partir d’eux ». Sur cette thématique, elle a donc composé un cycle de onze chansons dont l’intrication entre musique et référence littéraire n’est pas la moindre richesse, qu’on entende ou non l’anglais. On jubile en outre de retrouver la guitare électrique « liquide » et inimitable de Neal Alger, le groove imparable d’Eric Montzka et la basse impeccable de Michael Arnopol, ses compagnons de route habituels (s’y adjoignent plusieurs invités au fil des plages, notamment le saxophoniste Jim Gailloreto).
Des couleurs plus pop infléchissent la tonalité de l’album dès la cinquième plage avec Icarus, tournerie soft et optimiste à la Pat Metheny consacrée à la fois au personnage d’Icare et à la chanteuse Nina Simone (« Dans ma version, affirme Patricia Barber, Icare ne s’écrase pas au sol ; j’ai greffé l’histoire de Nina Simone sur la sienne et je lui ai dédié la chanson ») ; ça continue avec Narcissus (« une chanson qui pourrait être chantée aux mariages homosexuels », précise-t-elle sans rire) avant de déraper franchement dans Phaeton, un thème banal qu’on imagine facilement sur un robinet à musique FM et où Patricia Barber a eu la très curieuse idée de faire intervenir un choeur d’enfants et un rappeur (Walter Mitchell Owens III), l’ensemble donnant à la fois une impression d’incongruité et un sentiment de franc ratage musical. La chute est amortie par la dernière plage, The Hours, mais le mal est fait : Mythologies laisse en définitive une sensation mitigée, éloignée de ce à quoi nous avait habitué la chanteuse. Il lui amènera sans doute un public nouveau, ce dont on ne peut que se réjouir, mais le jazzfan repart un peu déçu.