On avait loupé Orgueil et préjugés, ici même, il y a deux ans. Dommage, car il se disait alors que le premier long-métrage du Londonien Joe Wright valait bien plus que le package d’a priori qu’il charriait : énième adaptation de Jane Austen enrobée dans une esthétique lisse et oscarisante, etc. S’il ne s’agit plus de Jane Austen, mais de Ian McEwan, Reviens-moi semble reprendre le sentier d’un cinéma propre sur lui, académique et chapeauté par, disons, Anthony Minghella – lequel y fait justement une brève apparition. Pas la plus palpitante proposition esthétique, certes, mais le récit du film est, dans sa première partie, assez savamment agencé.
En 1935, dans une vaste demeure britannique, la jeune Briony, qui se destine à la littérature, observe la parade amoureuse de sa grande sœur Cecilia et de Robbie, le fils de la domestique. Suite à une gaffe cauchemardesque du jeune homme qui, au lieu de la transformer en go-between, la rend témoin du brutal désir de ses aînés (Robbie lui fait passer un mot cochon au lieu d’une déclaration d’amour en bonne et due forme), Briony le prend pour un prédateur sexuel et lui fait porter le chapeau d’un viol qu’il n’a pas commis. Résultat : Cecilia et Robbie sont séparés, se jurent un amour éternel, l’un part en prison, puis sur le front, l’autre reste à Londres pour soigner les soldats, reviens-moi, come-back to me, etc.
Pas facile d’aller contre l’impression d’un film archi-académique, plan-plan, à la dramaturgie sculptée comme une pièce montée et son émotion choucroute. Sensation tenace, et à vrai dire le morceau de bravoure du film – un interminable plan séquence sur la plage de Dunkerque où des milliers de soldats britanniques attendent leur rapatriement – ne fait pas autre chose que nous y conforter. Pourtant, quelques astuces d’écriture retiennent l’attention, à l’image de la rashomonerie du début, qui nous fait découvrir une étrange cérémonie entre Cecilia et Robbie au bord d’une fontaine, observés par Briony à la fenêtre. Surtout, le film, après une inexorable agonie de rythme depuis le milieu du métrage, se termine brutalement par un coup de force. Vous allez râler si on vous dit lequel, mais sachez que l’entretien fictif (mené par Mighella) avec une Briony célèbre écrivain désormais interprétée par Vanessa Redgrave, est une proposition séduisante : à rebours de l’académisme conventionnel de tout le film, son dénouement affirme avec une certaine force le caractère opérationnel de la fiction, du romanesque, sa capacité à valoir, par ses effets, davantage que les événements. Unique véritable surprise du film, mais qui interpelle.