Si le 11-Septembre a réinsufflé un courant ouvertement libéral à Hollywood, il marque dans l’autre sens l’émergence de nouveaux porte-parole du pouvoir. Si ceux qu’on attendait font profil bas (Jerry Bruckheimer), se retranchant derrière les attractions foraines ouvertement déconnectées de la réalité (exemple, le pitch de Pirates des Caraïbes : évadons-nous deux heures de la sinistrose quotidienne), d’autres en profitent pour se positionner en relais de l’Amérique nationaliste, celle que la gauche stigmatise en manipulateurs ou en rednecks dégénérés. Parmi eux, Clark Johnson s’affirme comme l’un de ses serviteurs les plus zélés. Il incarne le respect de l’ordre renforcé par la haine des traîtres via une mise en scène au carré, disciplinée, réactionnaire. Après SWAT qui vantait les mérites de l’unité d’élite de la police, il loue le professionnalisme à échelle humaine des Services secrets.
Pete Garrison (Michael Douglas) en est l’employé modèle, vieux baroudeur qui n’écoute que son instinct, mais aussi sa quéquette (c’est Michael Douglas) en couchant avec la first lady dont il assure la protection (Kim Basinger en femme fantasmée de simili Bush). Alors qu’un de ses collègues qui tenait à lui communiquer des infos inquiétantes est assassiné, l’enquête démasque un complot contre le Président des Etats-Unis et désigne ce bon vieux Garrison en taupe présumé des terroristes arabes. Lequel au lieu de se rendre, fait le ménage tout seul : laver son honneur de flic droit dans ses bottes, débusquer le ripou et sauver son boss. Clark Johnson s’appuie sur deux fondamentaux : le cahier des charges de 24 heures chrono (course contre la montre et même but, faire coûte que coûte son boulot) et le roman de Gérald Petievich, ancien des services secrets dont l’écriture documentaire qui saisit l’ambivalence morale des flics au travail a notamment inspiré Police Fédérale Los Angeles, sommet du néopolar des années 80.
Parenté donc avec le film de Friedkin avec lequel The Sentinel partage quelques images (un convoi présidentiel en guise d’ouverture, cadré pareil) entretenant l’espoir d’une série B énergisée par l’écriture. Hélas, Johnson n’a déjà aucun sens du rythme ni d’idées flamboyantes. Il faut voir comme la mise en scène prend le réalisme par le petit bout de la lorgnette. La caméra est portée mais gelée par un découpage des plus académiques, qui ramène le film aux archaïsmes du genre en un story board éprouvé par sa banalité. Impression renforcée par un casting croulant, usé par le temps et les rôles.
Reste ce qui fascine Johnson : le corps du métier qu’il filme comme un pionnier émerveillé, impressionné par la maîtrise (technique et logistique de surveillance) et insistant sur la bonhomie ambiante (sympas, ces superflics qui se chambrent et boivent du café). Couplé à l’imagerie de ce pouvoir qui (r)assure, il distille le discours étatique de la peur qu’il matérialise sans vergogne : des menaces d’attentats et de meurtres adressés chaque jour à la Maison Blanche, ça c’est de la preuve. Même Eva Longoria, brillante fliquette fraîchement débarquée se rend à l’évidence que la fin justifie les moyens. Après The Sentinel, le spectateur yankee peut dormir sur ses deux oreilles. Si son téléphone est mis sur écoute, il l’aura sans doute un peu cherché. Dans le cas contraire, qu’il se rassure, c’est pour son bien.