Magie magie cet hiver. En novembre sortait Le Prestige, diversement apprécié ici même. Christopher Nolan faisait état des grosses limites de son style : une ambition classique à quoi se mêle, maladroitement, l’immature besoin de chercher l’entourloupe, d’en faire trop dans l’épate, et puis au ras de la mise en scène, beaucoup de balourdise et d’inélégance. N’empêche que le film, son meilleur sans doute, recélait d’idées stimulantes ou le thème de la magie était brillamment empoigné. Dans Le Prestige, les tours étaient mécaniques, et chacun d’eux était soumis à l’interprétation des personnages et des spectateurs. La leçon ? Elle était belle et inquiétante : toute disparition est un dédoublement. Rien ne se perd, rien ne se crée sinon deux fois.
Ripoliné, nettement moins réussi, L’Illusionniste se passe complètement de poulies, de trappes et de fils invisibles, pour s’en remettre aux prodiges du numérique. Il a tort, puisqu’il évacue tout le problème de la sagacité, qui faisait la tension du Prestige. Il n’est plus ici question de ruse ou de secret, encore moins de surprise : si le dieu numérique existe, alors tout est permis. S’il est encore question de magie et d’illusion, c’est seulement à l’appui d’un récit poussif et couru d’avance. A Vienne, en 1900, Eisenheim, un mystérieux prestidigitateur à qui l’on prête des pouvoirs surnaturels (Edward Norton, fade) enchante la ville par ses tours miraculeux. Le Prince héritier s’inquiète de sa notoriété et charge son homme de confiance (Paul Giamatti, relou) de le surveiller. Ce qu’il ignore, c’est que Eisenheim est l’amour d’enfance de sa future épouse, la Duchesse von Teschen. Le film ne fait rien de son cadre (Vienne en 1900, le centre du monde), mais surtout rien de la magie. Nulle leçon n’en est retenue, sinon par le personnage du policier, qui comprend, le temps d’un twist bâclé au possible, ce que tout spectateur non endormi avait deviné à la moitié du film. Un comble pour un scénario qui, puisant dans l’imaginaire de la prestidigitation, se veut lui-même imparable comme un tour de magie. De fait, L’Illusionniste semble avoir été écrit par un Garcimore un peu pompette.