On l’aime bien Antonio Banderas. Il n’y a que lui pour veiner l’entertainement de seconde main d’une saine et jouissive désinvolture. Avec Dance with me, il frappe quand même très fort. Pot pourri de plusieurs senteurs (comédie musicale, biopic et film gangsta avec une pincée de sitcom), le film est un éventail gratiné de la filmographie hollywoodienne de l’acteur : beaucoup de bons sentiments, de mécaniques industrielles et d’esprit communautaire, le tout dirigé par une parfaite anonyme dont le seul Antonio a le secret (Liz Friedlander rejoint dans sa liste Wych Kaosanyananda, Arne Glimcher, Betty Kaplan ou encore Peter Hall). Une humilité mâtinée de soumission qui rappelle que Banderas ne sera jamais qu’un expatrié à Hollywood, immigré long séjour jamais décisionnaire mais heureux de profiter du système. L’enjeu de Dance with me n’est donc pas différent de ses autres produits industriels : faire profil bas, se vendre, tout en arborant un grand et large sourire malin.
L’histoire (vraie, fallait-il le préciser) de Pierre Dulaine, maître es danse de salon qui tente d’apprivoiser de son plein grès une bande de « racailles » d’un lycée de New York ressemble à s’y méprendre à sa démarche carriériste. Rester soi-même, voire jouer carrément le pied tendre reste le meilleur moyen d’étendre son influence dans un milieu replié sur lui-même. Mais c’est ainsi, les années passent, Banderas se voit contraint de malmener son image de latin lover. Dans le film, on dirait un gigolo argentin début XXe version supermarché : gominé et brillant de mille feux, il ouvre la porte aux dames et se fait chambrer gentiment par les petits rappeurs enragés. Même winner, il demeure en marge, désespérément cadenassé par la fantasmagorie exotique qu’il charrie : pas d’histoire d’amour, ni même une petite (il confie, tout en pudeur Actor’s studio, la mort lointaine de sa femme dans la dernière bobine). En même temps, c’est sa force : grâce à lui, Dance with me n’est qu’un tour de manège qui n’assume rien de moins qu’une farandole de vignettes en lieu et place du digne mélo sociologique que tente la cinéaste en sous-main.
Il a beau chercher une intensité de cinéma indépendant via quelques incursions sordides (père qui gerbe sur la chemise du fiston, fillette tripotée par le nouveau mec de sa mère, tentation de la délinquance), le scénario conduit tout droit vers une trivialité rigolarde (le gros avec la mince, etc.) et autres archétypes sentimentaux (Roméo et Juliette à nouveau convoqués pour synthétiser la haine entre bandes rivales). Même la caution biopic ne fait pas sérieux : le film n’arrivera jamais à faire avaler un tel postulat et ne cesse de zigzaguer péniblement entre tentative de réalisme et abstraction hollywoodienne. Là encore, c’est cette dernière qui l’emporte par KO, le seul moyen de créditer Dance with me demeurant la voie de la malice et du spectacle bariolé. Pour preuve, le final qui transforme un concours de valse en happening gentillet de type Star Academy. Implacable.