On l’a déjà dit lorsque sortait en salles The Descent, on en remet une couche : dans le genre horrifique, les Grands-Bretons sont les champions du moment, il y réinjectent une simplicité glaciale bienvenue et ne s’embarrassent guère de considérations post-quelque chose. Le premier long métrage de l’Irlandais Billy O’Brien vaut précisément pour cela, pour la simplicité de son trait, de sa dramaturgie, sa manière de combler les attentes de l’exercice tout en se payant le luxe d’un fable contemporaine liée à l’actualité, dans la vieille tradition SF réaliste. Un éleveur solitaire et endetté accepte de louer une de ses vaches à un labo privé pour des expériences de manipulations génétiques sur le veau en gestation. Tandis que la vache arrive à terme, le vétérinaire remarque des anomalies au minimum inquiétantes (en fouillant la vache, elle se fait mordre la main, c’est inquiétant en effet), et le vêlage confirme la catastrophe : une génisse à crocs naît dans la douleur, créature mutante déjà pleine de petits monstres gluants et carnassiers, s’auto-reproduisant à vitesse grand V.
Isolation, donc, c’est la première fiction sur la vache folle. Désarroi du fermier, vengeance de la nature contre les apprentis-sorciers de la biotechnologie productiviste, troupeau infecté qu’on incinère aussitôt, imaginaire de monstres de laboratoire, etc. A quelques maladresses près, Billy O’Brien construit un suspens fermier aussi sobre qu’efficace, avec un monstre bovin que l’on devine se développer à l’ombre des tracteurs en panne et des mares de bouse. Entièrement éclairées à la lampe à cirage (pas la moindre nuance entre le noir du ciel et l’eau boueuse, bouseuse que traversent les bottes en caoutchouc, tout dans une espèce de mélasse charbonneuse oppressante), les meilleures scènes d’épouvante du film donnent dans l’économie et jamais ne défont le lien qui unit le scénario réaliste de base et ses excroissances les plus répugnantes. Cauchemar visqueux (l’indéfinissable bestiole qui nage dans la boue, vous mord les mollets, se faufile jusque sous vos draps ; la génisse carnivore ; les aberrantes créatures dont le squelette est à l’extérieur, etc.) versus fable contemporaine sur les dérives scientifiques : Isolation est gagnant sur les deux tableaux, et fait de la petitesse de ses moyens sa plus grande force, à l’image de cette bête informe et sanglante où s’aperçoit, ultime figure naturelle, résidu de normalité, un oeil de vache, l’infinie tristesse d’un regard animal.