Croyez-le ou non, mais la musique toute synthétique reprend sacrément confiance en elle ces jours-ci. Dans la lignée des succès d’estime remarquables de quelques pierres angulaires discrètes de 2006 (pour aller vite, vite le Movements de Booka Shade, tout ce qu’a sorti Villalobos dans l’année, Paradolia d’Alex Smoke et 2006 de Crowdpleaser & St Plomb) et à des lieux de la nu hard tech relou déjà autoproclamée event majeur de 2007 et des tracks techno rock hi-hat-saturé-et-sirènes-qui-montent-qui-montent qui bouchent les coroners de toutes les bandes passantes du monde, une certaine idée de la techno music, poppy, sautillante, toxique, grignote peu à peu du terrain sur les dancefloors pour les amener doucement à l’extase à grand coup de basses rondes, montées subtiles de nappes gros grains, jolis toms de boita vintage, hachures DSP et autres emphases extra mélodiques. En gros, pendant que la minimal monacale s’enferme dans ses certitudes jansénistes, la musique électronique continue à avancer sans elle, se frotte à tout ce qui se passe -pop ou click, old school, new school- et semble, enfin, un peu puriste, toujours souriante, fière de ses répétitions et de sa linéarité magique, contente de ne surtout pas être autre chose que de la musique électronique.
L’album du collectif berlinois My My (plus ou moins un trio, plus ou moins le projet solo de l’expatrié Lee Jones) est à l’image des nuits locales actuelles : un peu minimal, un peu revivaliste, un peu hédoniste, un peu informe : l’époque est floue et l’album sautille d’un genre à un autre sans jamais se laisser happer par aucun, ni heurter personne au passage, et le panorama est souriant. Un peu de bounce droit, glacial et sexuel à la Audion coupé de graviers concrets amusants (une sonnette de vélo par ci, un vrai shaker par là), un remake d’Orbital habillé de petites harpes numériques liquides à la Alex Smoke, Songs for the gentle débute gentiment poppy pour peu à peu révéler sa nature plus essentiellement deep techno (Pelourinho et ses nappes céléstes très Detroit, les très Atkins-ien Propain et Half a hole) avant de repartir sur des microsillons plus conquérants (la mirobolante bataille de toms du super Serpentine). Un processing un peu à la ramasse mis à part, l’album est plein de bonnes intentions et pleins d’idées posées un peu au hasard, et emballe sa victoire à l’incongru, un violon disco, une boucle de voix idiotes, un gimmick electro funk à la Morgan Geist habillé de samples zarbis. Et on le sait, l’incongruité est la marque des bons bons (Villalobos et Isolée demeurent les champions).
Le premier album de Repeat-Repeat, duo londonien proche du Rotter’s Golf Club d’Andrew Weatherhall et Keith Tenniswood, sourit d’incongruité même sur sa jolie pochette dessinée à main levée, et ne manque de ramasser aucun bleep, aucun blop au passage. Basslines malicieuses à la Two Lone Swordsmen, effectivement, cymbales qui zozotent, mélodies tropicales, nappes détunées shoegaze à la Seefeel, granulons à tous les étages, le magnifiquement produit Squints reste droit dans ses beats mais n’enferme aucune idée dans sa folle technopop, qui du reste n’oublie jamais de déhancher ses anomalies (les beats, terribles, de Why must ou Carpark).
Plus frontal, plus noir, l’aîné Max Mohr, sorte de Stephen Prina de la minimal, enfin, est déjà célèbre dans le monde de l’art contemporain depuis longtemps, et semble avoir déboulé sur Playhouse presque par hasard : son premier maxi, l’immense Sweet est sorti sur Playhouse alors que l’Allemand avait 36 ans. Son sens du groove, très froid, très martial (un déhanché presque rave), son art de la construction (les progressions et les ruptures tombent sous le pied), son sens de l’humour omniprésent (un son qui pète par ci, une caisse claire parlée par là, ) laissent pourtant pantois, l’album zigzaguant d’un exercice neodisco (le classique Old disco, réédité, le solaire et housey Mellowmoon 2) à une sorte d’EBM débile (Lucky wild) en passant par un exercice hard tech redoutable (Schaben). Le processing est certes un peu abrupt (delay édité bourrin, mixes zarbis), mais Max Mohr, plutôt avare en productions, a un talent fou. Vite, vite, faites tourner !