Dai Sijie a commencé sa carrière comme cinéaste, mais n’a connu un certain succès qu’en tant qu’écrivain. Avec des romans du genre de ceux mis en avant sur les catalogues France-Loisirs, à grand renfort d’accroches pour séduire les lectrices en manque de grands sentiments ripolinés, de vision de l’Asie n’allant jamais plus loin qu’un exotisme colonial, entre torpeur moite à l’ombre des palmiers et brumes sur la baie d’Halong. Son cinéma ne fait que transposer cette imagerie sur écran, veille à ne pas trop bousculer un endormissement cotonneux. Les Filles du botaniste, c’est une soirée diapo chez des notables qui rentreraient de vacances Fram. Ils sont contents de leur visite et ont même l’impression de ne pas avoir été pris pour des touristes, puisqu’on leur a appris des choses sur la répression sociale en Chine.
Car, oui, le film de Dai Sijie est supposé aborder un tabou : l’homosexualité chez Deng Xiao Ping au travers d’une romance entre deux jolies filles. Mais raconté comme le ferait un Gonzague Saint-Bris de l’image : en faisant de grands gestes qui ne font que brasser de l’air, à coups d’envolées lyriques de Prisunic dissimulant mal un propos scolaire jusqu’au désolant : les filles sont belles, mais opprimées par le poids d’une société patriarcale, les hommes sont des tyrans épais avec une fibre patriotique à la place du coeur… Pas mieux pour ce qui pourrait faire le sel du film : l’érotisme est traité comme dans un spot pour un déodorant Ushuaïa, avec une double dose de crin-crin que ne renierait pas Eric Serra. Ni fièvre, ni sensualité, mais une pose publicitaire transpirant, entre vapeurs de bains et visite des montagnes voisines, l’artificiel. Ne reste de troublant que le regard de Mylène Jampanoï, où il est plus plaisant de plonger que de voir un film se noyer peu à peu dans les clichés d’un romantisme Harlequin, jusque dans son redoutable final sortant les grandes orgues. On n’avait pas vu de telles dégoulinades depuis L’Amant d’Annaud.
Certaines gazettes magnanimes tenteront de vendre Les Filles du botaniste comme un Brokeback mountain version fille. Qu’elles n’oublient pas de préciser que c’est au gré d’un effroyable esthétisme Suzi-Wan.