Bac to the future : la France qui loose, qui chôme, a besoin de retourner à l’école, de repasser le bac. Besoin de discipline, d’examens, de concours, un peu de sélection et de méritocratie pour se donner du courage, des coups de règles sur les doigts. Sur les écrans petits et grands, cela donne Le Pensionnat de Chavagnes ou Les Choristes. Une certaine idée sarkozyste (et désormais royaliste) de la marche en avant. C’est à la mode. Les Irréductibles, c’est un peu ça, une pente, et en même temps c’en est l’envers, puisqu’il s’attache à filmer la disparition de la classe ouvrière, sujet fort et souvent pris en charge par le cinéma français (ou belge), on l’a vu en 2006 à Cannes avec La Raison du plus faible de Lucas Belvaux, et il y a quelques années, avec bien plus de force, avec Ce vieux rêve qui bouge d’Alain Guiraudie. Cette évaporation, Renaud Bertrand tente de la montrer de façon radicale, comme un recyclage, comment on passe de vingt ans d’usine aux formations ANPE ou, comme ici, au bachotage. C’est le pitch : Jacques Gamblin, ouvrier dans une usine de tonneaux mis au chômage technique, décide de repasser le bac, pour retrouver du travail et prouver que la classe prolétarienne n’est pas morte. Si, elle est morte, justement, puisqu’elle passe le bac. Il y a un moment, il faut choisir. Ce que refuse de faire le film, mou.
Qui s’intéresse encore au bac aujourd’hui ? Un irréductible, Renaud Bertrand, qui croit toujours qu’il faut passer son bac d’abord, comme à l’époque des sous-doués : pas de tricherie ici, plutôt un éloge courge du courage. Et une naïveté bon enfant est à l’oeuvre : les prolos font du vélo avec le patron, chaque dimanche, et celui-ci supervise les révisions, comme pour s’amender d’une nouvelle donne qui le pousse lui aussi vers la retraite. Décidément, tout le monde est gentil, Les Irréductibles ne veut surtout heurter personne, c’est sa seule obsession. Les personnages négatifs sont bêtes et disciplinés : le conseiller ANPE bête et discipliné, démagogie quand tu nous tiens ; un prof obtus et méprisant, qui permet de formuler en toutes lettres que l’accès à l’éducation ne donne pas tous les droits. Les Irréductibles, c’est donc une porte ouverte enfoncée à la minute. Le film sort en juin, mais il repassera en septembre.