« Firewall » (« pare-feu » en français) 1 – Logiciel garantissant la protection d’un système des agressions informatiques. 2 – Plan marketing hollywoodien (2005) préparé, proposé et présenté par Harrison Ford, destiné à recréer le temps de sa quarantaine resplendissante (Jeux de guerre, le Fugitif, Présumé innocent). La formule se compose des éléments suivants :
– de l’action,
– une cellule familiale traditionnelle (père, mère, soeur aînée -13 ans- frère cadet -10 ans-, un chien -petit et laineux, fidèle et affectueux), strate bourgeoise paternaliste, opulente mais cool,
– un col blanc très cynique en guise de méchant,
– un prolétariat coopératif et docile pour sa propension à vénérer la chefferie (guichetier bonhomme, secrétaire dévouée un poil amoureuse),
– une thématique de scénario à l’identité claire et forte (après Harrison président, Harrison fugitif, voilà à Harrison informaticien).
Les éléments susnommés s’assemblent comme suit. Harrison Ford joue un chef de service chargé de la maintenance du firewall (sens premier) d’une banque importante (forcément). Tout baigne dans l’huile, d’où la sempiternelle illustration fordienne du bonheur : petit déjeuner speed en famille où, d’une main, le good father en costard cravate empoigne son attache case, de l’autre touille son mug, avant d’embrasser femmes et enfants. Jusqu’au jour où un hacker machiavélique investit ce confort douillet et prend le contrôle des opérations en usant des méthodes traditionnelles du néo-délinquant : retournement des caméras de surveillance qui de remparts se changent en cachot, pas de lingot à chiper, mais des colonnes de chiffres à transférer sur clé USB. Mal planqué derrière la série B, le voici le topic de Firewall, la paranoïa de l’occident post-11-Septembre que les aléas sécuritaires du monde digital symbolisent si bien.
Sauf qu’on ne refait pas Harrison Ford, qui ne voit là qu’une occasion de ressusciter son personnage de papa bricolo droit dans ses bottes. Le film s’en trouve totalement infusé, basculant dans une ode réactionnaire assez poilante en lieu et place d’une remise en question sociétale. La série B ne trouve sa rythmique que dans une opposition passé-présent où la morale choisit rapidement son camp : aux entourloupes high tech du jeune yuppie (Paul Bettany, formidable présence malgré l’indigence du rôle), le vieux briscard répond par l’efficacité du bon sens primaire en lui écrasant son ordinateur sur les doigts. Firewall, c’est la victoire de McGiver et Charles Ingals sur Steve Jobs, le terrassement du yuppie individualiste par la famille où même le chienchien a un rôle à jouer, le plaisir du retour à l’âge de pierre pour contrer l’arrogance saupoudrée de la technologie. Le plus fâcheux c’est qu’en dépit de sa partition, Ford l’acteur a perdu face au temps qui passe, de plus en plus vacillant, de moins en moins fascinant. Ringard de corps et d’esprit ? Oui.