Pork and milk, réalisé il y a maintenant deux ans, est une suite de témoignages de jeunes israéliens ayant décidé de sortir du milieu ultra religieux dans lequel ils se trouvaient, de par leur liens familiaux, pour aller vers la laïcité. Beau film qui décrit un mouvement inverse à celui censé indiquer un retour mondial du religieux. Et à ce titre précieux.
Les vidéos de Valérie Mréjen étaient généralement fondées sur le témoignage et le mystère qui l’accompagne, c’est à dire le hors champ de l’événement conté, ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne verra jamais et qui restera lié à la subjectivité de la personne. Mais souvent la personne récitait de manière neutre, en effaçant les affects de telle sorte qu’une sourde ironie, un léger doute semblaient planer sur la vérité de l’histoire racontée. On n’était jamais très loin du comique atone, du rire sardonique. Rien de tel ici. La part de fiction s’évanouit pour laisser place à la force implacable du vécu, celui d’une conversion et de ses menus détails. La réussite de Pork and milk réside dans cette façon de nous montrer que cette sortie de l’extrême religieux va de pair avec la découverte de soi, de sa capacité à rendre son corps au monde. Peu à peu se dessine un érotisme de la résistance, quelque chose qui a trait à la singularité de l’expérience charnelle et de la prise de conscience, à l’opposé du respect des diktats religieux.
Pas question, comme ce peut être le cas dans ces reportages télé, de simplement livrer le petit moi qui souffre en pâture à l’image ou, à l’inverse, de transmettre l’événement par le biais d’un récit analytique et historique dépourvu d’affects. Le choix des cadres, la lumière (remarquable travail de Céline Bozon), la tranquille assurance et la douceur des intervenants filmés dans leur contexte d’élection, le récit des gestes effectués dans l’intimité d’un moi retrouvé et éprouvé : quelque chose de paisible, de joyeux, presque, émane de cette constellation de portraits, comme si tous étaient pris « après la bataille », dans une relation apaisée à la douleur passée, à l’arrachement aux liens familiaux et au passage de gué. Ce détachement rend le film aérien, comme baigné dans la lumière douce d’une révélation.