Adapté d’une pièce de théâtre, et présenté en 2004 à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2005, The Woodsman emmène du côté de l’indy cinéma américain, cinéma du milieu sans doute, qui gagne en minutie ce qu’il perd en flamboyance. Question d’échelle, encore, le film se déroule dans les paysages mitoyens de Philadelphie, une Amérique moyenne actrice et témoin d’un drame ordinaire. Tout juste sorti de prison où il a passé des années pour agression sexuelle sur mineures, un homme (Kevin Bacon) y vient se reconstruire, trouve un travail dans une scierie, rencontre une (Kyra Sedgwick, madame Bacon à la ville) et noue avec elle une relation qui l’apaise. En sourdine, ses démons le travaillent toujours, il s’est trouvé un logement en face d’une école. Pourtant il tente de se soigner, tient son journal, consulte un psychiatre. Mais ses collègues ne tardent pas à apprendre ses antécédents (aux Etats-Unis les délinquants sexuels sont fichés, et la base de données en libre accès permet à quiconque de vérifier si son voisin n’est pas un violeur). Tout le monde lui mène la vie dure, si bien qu’il en conclut de lui-même qu’il n’est pas de vie normale possible lorsqu’on a commis un crime.
Bien sûr il y a un certain simplisme dans ce schéma dramatique : va-t-il replonger ? Néanmoins, le film existe autrement que sur le fil de ce petit suspens, pas intéressant au fond. Il existe par l’autre problème qu’il pose, et qui lui appartient totalement : comment faire porter à un criminel, auteur d’un forfait des plus lourds (la pédophilie), repoussoir absolu des sociétés modernes ? C’est autre chose que se demander, par exemple, si il faut le pardonner. Il n’est nullement question de cela ici, mais bien plutôt de savoir comment faire tenir un film du point de vue d’un violeur d’enfants. Affaire de distance on s’en doute, et le film parvient à s’équilibrer entre l’empathie avec le personnage qui est son postulat initial et, plus finement, une distance moins du film au personnage qu’entre le personnage et toutes choses, entre lui et tous êtres. Là on peut dire que The Woodsman gagne son pari, et la retenue qui est la sienne évite toute faute de goût à défaut de convaincre pleinement par sa subtilité. Réussite qui, comme toujours au cinéma, se mesure à la façon dont le film fait exister personnages et décors, et témoigne d’une sobriété bienvenue et calme davantage que d’une sécheresse poseuse, comme on aurait pu le craindre.