Que dire de cette Panthère rose relookée 2000 ? Pas grand-chose. Qu’elle est inutile ? On s’en doutait. La Panthère rose, Blake Edwars, 1963, David Niven, Claudia Cardinale, Peter Sellers : un chef-d’oeuvre, l’un des plus grands films sixties, on le sait. Pour y revenir, il faudrait passer en contrebande, par des chemins détourner, et composer dans l’abstrait : colorisme, kitsch, balade en un monde de surfaces et d’à-plats, rivière inquiète et souterraine nervant les images. La Panthère rose 2000 s’en garde bien. Plus que décolorée, l’image est vidée comme une truite de ce qui en 1963, faisait la beauté de l’époque. Ce qui fait la beauté de notre époque (et, peut-être davantage encore, son étrangeté) est complètement absent ici. Il y a visiblement une gêne, de la part du réalisateur, à « faire avec » le contemporain. Il lui faut pourtant composer avec, c’est tout de même le but avoué du film, et pourtant il tient mal l’équilibre qu’il vise entre retrouvailles avec un « truc » d’époque, et modernisation un peu nouille (une Smart, Beyoncé Knowles, Jean Reno, Internet, etc.). Le cinéma progéria frappe encore. Rêvé jeune, il ne laisse apparaître que les traits de sa vieillesse anticipée. De Paris, il ne reste rien.
Mais que dire encore ? Un ratage ? Ce n’est pas le mot. Les rendements de Steve Martin ou de Kevin Kline, par exemple, ne sont pas en cause. Steve Martin trace sa route, dans l’exercice suicidaire de l’imitation d’un plus grand que lui. N’empêche, il assume, en bon artisan du rire, sa performance est, comme on dit, honorable. Quant à Jean Reno, il semble complètement à côté de ses pompes, curieusement déphasé, hagard, comme victime d’un gros coup de fatigue. Beyoncé Knowles décore. Le mieux est sans doute de dire que La Panthère rose reloaded est un film cul-de-jatte qui, sans scénario ni mise en scène, rampe profil bas. Ce n’est pas que le personnage du Chief-inspector Clouseau ne puisse voyager hors du temps des sixties où il est né. Nulle datation possible pour cet hurluberlu que le scénario original (Blake Edwards, Maurice Richlin, 1963) avait su maintenir personnage secondaire. C’était toute la puissance dramatique du film : Clouseau, en retrait de la comédie policière à laquelle s’adonnait David Niven et Claudia Cardinale, colorait le film tout entier, avec sa femme trop belle pour lui, de sa mélancolie de petit bonhomme. Idée impensable aujourd’hui, car c’est uniquement le personnage qui vend le film, et doit en être de tous les plans, au boulot.