Divinement épaulées, les Konki Duet reviennent avec le drapeau blanc. Trio féminin multi-instrumentiste (japonais / français / russe), The Konki Duet joue une pop secrète et hypocondriaque, habilement décorée, emmêlant lyrisme lo-fi et chansonnettes douces-amères. Mais The Konki, c’est aussi une audace immaculée qui se soustrait à tous les subterfuges et lacunes dont s’encombrent parfois les musiques chantées et fredonnées. Elles s’autorisent même à jouer avec des instruments et des compositeurs qui les installent (pourtant) sur des balançoires qui virevoltent à l’infini. A l’image de No one knows, bonbon explosif au touché, fermé comme une énigme, puis solide comme le roc(k)… Konki Duet, c’est une histoire de voix, de faux silences et de patiences racontées par trois lumineuses. Comme la fée Kumi sur Vanilla girl, pépite qui brille de ce luxe dont savent jouir les musiques plurielles, mais aussi -paradoxalement- les comptines solitaires. C’est aussi le cas de Birds, brise de tristesse qui s’épanche au bord de la mer, criant tout bas son identité sans pour autant décliner un nom ni se reconnaître dans un univers… Ces filles sont entourées, libres et fécondes, presque revenues dans le ventre de leur mère. Le mouton des Konki, c’est un peu cet animal qui s’immisce profondément dans les arcanes d’une musique qui possède tous les atours d’une chimère réalisée. Un deuxième disque beaucoup plus énergique que leur premier bébé.
Pour fêter ses cinq années d’existence, le label Unique Records a de son côté fait péter sa tirelire, parachutant coup sur coup deux combos CD / DVD. D’un côté, la compilation Just close to you et, de l’autre, le projet Angil & Broadway : The Joint venture. A l’image de Electrophonvintage et son Rescue dog, la label Unique pose des écrins dorés et calmes, de la pop lo-fi doucereuse, toujours épurée. Sur Answering machine song, Del démarre sur des légers frémissements humains, mêlés à des parcelles de guitares souillées et des vocalises éméchées. Lorsque la batterie débarque, en costume Sebadoh période Harmacy, les chants des protagonistes se brouillent aux riffs disséminés, les bruissements analogiques se laissent lover par des cris sauvageons qui font flotter les tympans… Ces alliances sont naturelles, les mélodies s’effritent ici aimablement. Sur la quatrième plage, Virga balance quelques rythmiques lourdes, lorgnant vers le hip-hop instrumental, nappant le tout de synthés mixtes, histoire de plomber l’ambiance pour mieux respirer… Puis des crachins alertes s’exposent dans tous les coins, faisant échos aux délicats riffs de guitares de Melatonine sur RockProg. S’étalent ensuite les formations Luni, Baka ou encore Half Asleep, qui évoquent aussi bien l’ambiant de Biosphère que le minimalisme poppy de Sigur Ros en mode espiègles. Les scénarios vibrants sont ici tissés en rotation rock, lo-fi ou electronica, formant de grands intervalles permanents entre les univers des frenchies d’Active Suspension (Davide Balula, Domotic, Colleen, voire même les Konki mentionnées plus haut…) et ceux de Tarwater ou même God Speed You Black Emperor. Ces grands écarts périlleux sont souvent réussis, car aplanis comme des blinis fourrés à la mutation harmonieuse, car dodus comme des dizaines de hot-dogs sous la pluie. En témoignent les crachins mélancoliques sur Our screwball, le bijou du grand A Place For Parks, étendu en légèreté et en sagesse, avec des bouts d’amabilités amères qui suintent par tous les orifices. Le minimalisme folk de Lunt sur Slow silence, la sensualité de Melonhead avec End in the ocean, ce disque fait glisser les rêves avec élégance. Contrairement à la grande majorité des compilations, Just close to you ne se perd pas dans des recoins trop éclatés. Les liens entre les morceaux se resserrent souvent et on pourrait parier qu’il en est de même avec certains des artistes présents sur cette compile. On sent que les brouillards y sont parallèles, que les interprètes ont ici des accointances particulières. Et ça continue pendant 18 plages bien truffées.
Détachées et fictivement anesthésiques, les aubades de King Kong Was A Cat -sur le distingué Rats– déambulent ainsi de façons démontées et aguicheuses, se métamorphosent en zones circonspectes, prennent de l’ampleur à force de répétitions exaltées. C’est adorable et ravageur à la fois. Les figures de la scène made in Unique ont de la mélodie à revendre. Classez les dans le bac electronica ou post–rock, ces artistes n’ont pas vraiment d’étiquette. S’ils naviguent dans des eaux si attrayantes, c’est sûrement parce qu’ils y amerrissent sans stress, prenant la pause sur des îlots particuliers, exprimant une vision intime d’une scène indie illégitimement placide, loin du parisianisme et de ses rictus mondains. Les artères mélodiques de cet opus anniversaire cachent fréquemment de fugaces piques de rythmiques électriques et d’arrangements malicieux (Imagho sur Someone controls electric guitar 2, Baxendall avec Stretched meridians…). Sur Just close to you, l’auditeur est plongé de facto dans un entre-deux, où songe folk et réalité digitale se confondent. Les artistes offrent une gamme très large de leur savoir, des entrelacs de paroles et une ivresse légère qui font de leurs tessitures de charmants bouquets de pop détériorée. Préférant la parole dissimulée et la mélodie littéraire à la « chanson pop vulgaire », Unique Records se place doucement dans le peloton de tête des jeunes pousses labelisés made in France. Et puisque le tout est plus ou moins dessiné par Emma Viguier, artiste toulousaine raffinée et délicate, on plonge les yeux ouverts en souhaitant au label un joyeux anniversaire.