On s’est peu gratté la tête au moment de rédiger le générique de la critique de cette comédie au postulat intrigant (un fan d’Hallyday se retrouve dans un monde où Jean-Philippe Smet n’est jamais devenu la wock’n’woll star française). Hésitation en ce qui concerne les crédits : Smet ou Hallyday ? C’est bien le seul vertige dickien que peut revendiquer ce « Dans la peau de Johnny », vestige de promesses toutes rapidement éventées, autant parce que le film se dégonfle très vite en mentant sur son identité -il se passe bien plus dans la tête de Luchini qu’autre chose- que parce qu’il choisit délibérément de ne jamais dépasser la frontière d’un concept. Jean-Philippe laisse fantasmer le spectateur sur tous les horizons qu’il aurait pu ouvrir. Or le film de Laurent Tuel se contente d’aller ramasser les miettes laissées par Podium, vu comme modèle de comédie sociétale pour public des émissions de Delarue, évitant consciencieusement d’aller interroger la thématique ou de se confronter à son sujet. Quelle est la nécessité d’avoir des idoles ? Qu’est ce qu’une vie par procuration ? Des questions que Jean-Philippe refuse même de formuler. Tout comme il se détourne rapidement de sa nature d’uchronie. Il faut juste accepter l’étrange aventure de ce fan n’ayant qu’une obsession, que son monde retourne à sa normalité factice, où sa dévotion lui permet de se sentir exister dans sa petite vie.
Pour autant on saura gré à Tuel et son scénariste d’avoir parqué leur film dans une candeur fabuliste, dans un gentil premier degré, excisé des arrière-pensées cyniques qui rendaient le film de Yann Moix très déplaisant. Quoique, entre un guest de Poelvoorde réajustant sa perruque de Cloclo et l’autodestruction du scénario comme de la mise en scène, désintégrées au bout d’une heure dix pour virer publi-reportage pour la prochaine tournée de Jojo ou en piètre clip pour single de la B.O, Jean-Phillippe est souvent au bord de basculer dans le camp des comédies marketées sans âme. Ce que confirme l’annonce par les producteurs, communs aux deux films, d’un vrai-faux remake américain à venir autour de Madonna, avant d’autres qui essoreront le concept jusqu’à plus soif.
Le miracle, même relatif, s’opère autour de Johnny / Jean-Philippe, étonnant de sobriété et d’autodérision, confirmant enfin que depuis Godard, les réalisateurs ont raison de voir un taiseux taciturne dans le showman qui mouille la chemise sur scène. Il excelle en loser mi-renfrogné, mi-aquoiboniste partant à sa propre reconquête, offrant le profil bas et la distance nécessaires à un tel projet. A l’opposé d’un Luchini tout en performance narcissique, à la poursuite de sa propre mythologie : son omniprésence prend d’ailleurs rapidement le pas sur le film, qui résiste à cette contamination dans un rebondissement final assez chafouin achevant de rendre Jean-Philippe sympathique. Ce qui n’est pas rien au vu de la soupe claire et réchauffée que nous sert ces temps-ci la comédie à la Française. Mais quand même peu face à tout ce qui aurait pu (dû ?) être extrait d’un tel postulat. Or, c’est ainsi : Jean-Philippe est moins un film qu’un pitch ultra-commercial.