Il faut commencer par décrire quelles dispositions ont rendu possible cette sorte de sitcom pénitentiaire, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit : une suite de dix saynètes jouées en duo par des détenus dans un même décor, une cellule de prison. Pas de récit, se suivent uniquement des scènes de la vie quotidienne, cohabitation difficile, apprentissage des règles de la vie pénitentiaire, évocations de souvenirs, partie de scrabble, etc. Ennui, tensions, rigolades, etc. Pas de récit, mais une matière fictionnelle, créée de toutes pièces. Le décor, c’est en effet une cellule, mais reconstituée à l’intérieur d’une prison (les Beaumettes à Marseille), un studio de cinéma qui reproduit à l’identique l’habitat des détenus. Là, dialogues et situations sont entièrement l’affaire des prisonniers/comédiens. Une sorte d’autofiction en huis clos, en somme. Sitcom, 9m2 pour deux l’avait été explicitement, puisque l’an dernier il était diffusé sur Arte sous forme de série. Quelle existence sur grand écran, pour un tel dispositif ? Facile de cerner ses effets. Rendre visible ce qui par nature ne l’est pas, espace doublement reclus derrière des murs épais et l’intimité de ceux qui y vivent, espace négatif (la privation de liberté) retourné comme un gant en entité offerte au regard. Filmer la cellule-studio comme synecdoque de la prison toute entière, et en cela déplacer la question du rapport entre intérieur et extérieur. Travailler, via le medium cinéma et une mise en scène appropriée par les détenus, ce qui compose le quotidien de la prison : psychodrame en quelque sorte, au sens médical du terme.
Curieusement, le film ainsi constitué peine à développer jusqu’au bout son concept. Est-ce le grand écran ? Est-ce le regroupement des saynètes, bout à bout feuilletonesque recollé ici ? Un peu des deux. A voir s’enfiler ces tranches de vie, domine la sensation d’un aplatissement, à la fois des enjeux et du contenu même des scènes. Sentiment, en un mot, qu’il ne se passe pas grand-chose. Non pas que le « vécu filmé », si l’on veut, soit dénué d’intérêt, évidemment, ni l’expérience en elle-même. Mais quelque chose résiste au dispositif, et peut-être que son découpage en série, en tranches, lui convenait mieux. Peut-être, tout simplement, qu’un point de vue fort manque à la construction de l’ensemble, un parti pris plus nettement formulé, et qui mette en danger le projet en danger. Le home movie est un art difficile, même quand il est, comme ici, encadré, coaché.