Harold Ramis est de ces réalisateurs qui s’effondrent rapidement quand ils ne disposent pas d’un scénario « conceptuel » à la manière de celui de Un Jour sans fin. En l’occurrence il s’agit, dans ce Faux amis (The Ice harvest en v.o.), d’une trame de Film noir mâtinée d’un humour vaguement potache où deux losers (un avocat véreux et son associé) volent une somme colossale au caïd local la veille de Noël, espérant s’enrichir à peu de frais et quitter le trou où ils végètent. Evidemment il y a aussi une femme fatale (Connie Nielsen en blonde peroxydée) et des trahisons à la pelle. C’est dire si on retrouve le tout venant de ce genre décrépit qu’est devenu le Film noir. Au passage Ramis recycle quelques motifs issus du cinéma des frères Coen (pour la bêtise, mais aussi le cynisme) et de Un Plan simple de Sam Raimi, la présence de Billy Bob Thornton entérinant ce double patronage.
On ne voit pas bien ce qui a pu intéresser ici Harold Ramis, dont la nonchalance est peut-être la seule touche personnelle à mettre à l’actif de ce film sans envergure aucune. La réussite d’Un Jour sans fin tenait à cette manière de transformer un scénario en dispositif, dans lequel la répétition des plans et des scènes finissait par donner forme à un récit purement cinématographique. Harold Ramis, cinéaste sans réel univers, y était une sorte d’horloger, de génial mécanicien davantage qu’un metteur en scène. Depuis, les dispositifs de scénario étant de moins en moins passionnants (de Multiplicity, objet encore stimulant, au sympathique Endiablé en passant par le piteux Mafia blues), la faiblesse expressive de Ramis a fini par prendre le dessus. Dépourvu de ces scénarios « conceptuels » et n’étant ni un grand filmeur, ni un grand monteur, Ramis livre un film complètement dévitalisé.
Les acteurs eux-mêmes participent à cette anémie généralisée, en particulier John Cusack dont le côté falot peut faire des merveilles quand il est utilisé comme contrepoint à l’exubérance de ses partenaires (comme c’était le cas avec le déluré Lady Chablis de Minuit dans le jardin du bien et du mal) mais dont le jeu peut aussi s’avérer extrêmement soporifique. Bref, pas même un très mauvais film, juste un objet inutile, ce qui d’une certaine façon est encore plus tragique. La sortie du tunnel, c’est peut-être pour 2006 : Harold Ramis s’apprête à tourner son prochain film, une comédie avec le génial Owen Wilson…