Sublime par endroits, intelligent toujours, La Forêt oubliée est, à parler sans détour, un film relativement / très soporifique. C’est l’oeuvre d’un cinéaste rare, Kohei Oguri, cinq films en 25 ans. Deux titres : L’Aiguillon de la mort (prix du jury à Cannes en 90), L’Homme qui dort -ce dernier est une référence absolue pour Katsuhito Ishii, réalisateur du génial The Taste of tea, qui fut l’élève de Oguri. Tous les deux d’ailleurs partagent une certaine idée du cadre comme petit lieu clos, bulle sans fenêtres où tout est question d’échelle. La Forêt oubliée, comme The Taste of tea, regorgent de jeux sur la disproportion.
Qu’est-ce que cette « Forêt oubliée » ? C’est une forêt enterrée d’abord, comme l’indique le titre original. On la découvre dans une petite de montagne, à la suite d’un glissement de terrain : une éruption volcanique l’avait laissée intacte. En cette ville, un faisceau de récits s’écoule jusqu’à ce rejoindre dans l’entrelacs des arbres de la forêt retrouvée. Récits d’enfants, qui s’inventent un monde en rêves ; récits d’adultes, ou de vieux, égrenage de souvenirs. Un cadavre exquis peu à peu se coud sur la matière vaporeuse des images, car tout le film tend à ceci : faire entrer les personnages-conteurs à l’intérieur d’une rêverie méditative sur le rapport (d’échelle) de l’homme à la nature.
Le film trouve très vite son lieu : il est dans le titre. Une forêt se songes où il vient s’échouer, usé par le point de croix narratif et la planante-attitude de la mise en scène. Là, tout est prodige : une procession fait s’envoler petites montgolfières de toutes formes, revenir à la vie une baleine des temps enfuis. Oguri est très fort ici, comme scénographe et pas seulement : derrière chaque image il y a une pensée en retrait, en retrait comme si elle ne voulait pas abîmer la belle disharmonie, le calme tissu des images qu’elle habite. Un peu pompeux, un peu solennel, le film s’égare toutefois et perd souvent en route son spectateur. Il sait aussi, d’un seul coup, lui offrir un instant de sidérante beauté. Ce plan par exemple, vers la fin du film, un plan digne de Godard, un gros plan sur le visage triste d’une jeune fille sur un fond quasi monochrome, tête qui se penche doucement, une poignée de secondes, sublime.