Il y a quelque chose de pourri au Royaume champignon. L’année dernière, pour mémoire, Pikmin 2 sous ses riants microcosmes, vantait la mondialisation et l’exploitation de la cheville ouvrière. Cas isolé dans l’univers rose bonbon de Nintendo ? Pas vraiment, tant l’acteur historique de Kyoto a toujours, sciemment ou non, entretenu dans certains de ses jeux une ambiguïté morale bien éloignée du gnangnantisme qu’on veut bien lui prêter. Mario kart dans son principe même est une course blasphème. Pour comprendre cela, il faut revenir à l’époque de la SNES. F-zero, sorti en même temps que la console, est un jeu de course sublimée. Apprendre chaque virage par coeur, gérer sa vitesse, la position des boosters, des concurrents et des récupérateurs d’énergie. Tout concorde pour donner au joueur une leçon de maîtrise. L’excellence pour seule ligne d’arrivée.
Quelques années plus tard, Mario kart arrive comme une antithèse vacharde. Tout aussi technique et parfaitement réglé, le jeu introduit un nouveau paramètre : la carapace. La carapace de tortue se décline en plusieurs coloris mais toutes convergent vers un seul but ignoble : se venger minablement d’avoir devant soi un pilote plus talentueux. On peut apprendre chaque pixel carré de terrain, rien ne vous sauve du choc cuisant d’une carapace bleu explosant votre bolide à dix malheureux mètres de la ligne d’arrivée… Tandis que le pilote que vous avez si habillement baladé via une connaissance sans égal de la piste rit de vous à gorge déployée. Il était moins bon que vous et il est arrivé premier. Quel enculé ! C’est sur ce principe diabolique, immoral et jouissif que s’est construit la réputation de Mario kart, jeu de course convivial ultime. Mario kart 64 a apporté le relief, les dénivelés et les dérapages turbos. Les innovations apportés par Double dash !! ont déçus. Par nature, le joueurs de Mario kart est conservateur : chaque détail de gameplay amputé ou modifié met à mal son skill, sa maîtrise. C’est peut être pour ça que Mario kart DS apporte si peu. D’un point de vue formel, il se contente d’être une brillante synthèse, complètement assumée, de ses trois illustres prédécesseurs. Douze personnages, 36 karts, 32 pistes (dont la moitié sont des remake des courses les plus mémorables), des modes batailles, grand prix, missions, contre la montre, une dizaine d’objets offensifs à utiliser. Peu de nouveauté mais toutes parfaitement équilibrées. Et surtout, le grand plongeon tant de fois annoncé : un mode online. Inoubliable à plusieurs, Mario kart online déclenche une polémique inattendue. Et en partie due aux restrictions du online… Elles-mêmes complètement cohérentes avec la philosophie du géant de Kyoto.
Supputons ensemble ! Exemple : Nintendo veut que le joueur ne se retrouvent pas découragé à force de se faire battre ?… Il intègre le mode « rivaux » qui calcule vos compétences selon vos niveaux dans le jeu et cherche automatiquement à vous confronter à des pilotes de talent équivalent. Nintendo se préoccupe de la pédophilie et des gros mots ? Impossible de communiquer le moindre mots dans Mario kart : on choisit un kart, on vote pour un circuit, on joue. L’expression par le jeu. Pas de micro pour hurler, pas de clavier pour féliciter. Mario kart, seul outil de communication entre les joueurs de Mario kart. Ca amène de nouveaux problèmes… Plus haut, on parlait justement de polémique : en fait se dessine doucement une sorte de contrat social du bon joueur. Une éthique Mario kart quasiment. Le bon joueur ayant gagné une course laisse son opposant choisir la suivante et vote pour la même que lui. Le bon joueur utilise le dérapage turbo mais seulement dans les virages ; jamais en ligne droite. Car le bon joueur ne « snake » pas ! Le bon joueur finit son championnat de quatre courses jusqu’au bout, surtout s’il arrive dernier dans le classement.
« Ludo, ergo sum » est le « Just do it » de la Nintendo Wifi connection. Un logo et un surnom sont les seuls accessoires admis. Donc, ce qui fait la réputation d’un joueur ne tient plus qu’à ses actes. Son fairplay et son talent de pilote. On touche quelque part à la vérité du joueur. Pas de plaisanterie possible, pas de dissimulation. Tout cela en évitant soigneusement les monstrueuses pages de stats. Victoire, défaite, basta ! Une fois encore, Nintendo innove via l’économie de moyens. En l’état, son service online est fonctionnel, simple d’accès, gratuit, plutôt fiable (à une ou deux déconnexions près). On savait déjà que la Nintendo WFC ne ressemblerait pas au Xbox Live. En revanche, on ne se doutait pas qu’il nous poserait des problèmes moraux. Un joyeux souci qui devrait prendre des proportions énormes à la sortie prochaine d’Animal crossing wild world, la simulation crack whore de vie sociale.