D’Antoine de Caunes, on garde encore l’image du grand trublion télé plutôt que du cinéaste, fonction relevant clairement du hobby de luxe, à l’image d’un Carlos fan de pêche au gros ou d’un Depardiou vigneron. Mais contre toute évidence économique, le privilège du star-system lui permet de se bâtir une filmographie, une carrière même. Pour preuve, cette dernière livraison, une comédie romantique starring deux monstres sacrés, jouant sur deux territoires prisés par l’industrie du moment : Lubitsch (4 étoiles et prochainement Hors de prix de Salvadori) et la british touch. De Caunes ne s’y révèle pas plus que dans le techno-thriller à 20 centimes ou le grand chambardement napoléonien. Désaccord parfait n’est pas détestable, il est juste horriblement plat, sans une once d’envergure. Même un Francis Veber a plus de classe et de punch, c’est dire…
Rochefort est un cinéaste sur le retour, en visite à Londres pour superviser son prochain film. L’académie locale en profite pour lui remettre une distinction par son ancienne égérie et amour (Rampling), avec qui il est en froid depuis trente ans. En résulte un mano a mano tout plein de mots d’auteurs, de scènes d’acteurs avec fantaisie et humour classe, où le fric c’est chic et la star c’est choc. Mais où se cache donc de Caunes, que nous dit-il, hormis qu’il tourne un film ? Rien. On a beau fouiller, on ne voit pas. Cet effacement pourrait passer pour sympathique si le film ne respirait pas la feignantise à plein nez. Il y a dans le cinéma de De Caunes une inconscience pénible en ses moyens qui le fait passer pour un théoricien aux formules de camelot. Ici, pour réussir une comédie, il faut des bons acteurs, une touche de dérision, quelques pirouettes de scénario et un accent britannique. Ben non, ça ne suffit pas.
Désaccord parfait valide la victoire du gadget sur le cinéma. Plus qu’un film dandy, c’est un film rance, ancien régime, qui use et abuse de ses privilèges. On pense notamment à Rochefort, monsieur savoureux du cinéma français à qui la jeune garde (voir Canet ou Baer) voue un culte stérile. D’après de Caunes, il suffit juste de le laisser rochefortiser la pellicule : un pas de danse, une tirade déclamée, une oeillade malicieuse et hop, l’éclair entre dans la bouteille. Mais ce qu’on voit, sur l’écran, c’est un acteur à la dérive, qui gesticule tout seul, s’autoparodie sans béquille, sans vraie scène surtout. Il en ressort essoré, plus vieillot que jamais, d’autant que le scénario fait planer sur lui des examens médicaux inquiétants. Voilà le problème de Désaccord parfait : à peine servi, il est déjà momifié.