Trois temps. 1- 1966, « le temps des amours » : love story entre une hôtesse de salle de billard et un homme en partance pour le service militaire. 2- 1911, « le temps de la liberté » : un activiste politique est aimée d’une courtisane, mais tellement occupé à la révolution, il la néglige. 3- 2005, « le temps de la jeunesse » : quatuor amoureux entre un homme et trois femmes. Three times, c’est donc In the mood for love + Les Fleurs de Shanghai + Millenium Mambo. Beau programme, bien sûr, pour un film plastiquement superbe et supérieur à la somme de ses parties. Il n’empêche, loin d’être l’accomplissement de l’art de Hou Hsiao-hsien (à chercher plutôt du côté de Goodbye south, goodbye), c’est un film funambule à la limite de l’impasse.
Aux trois films de Three Times, une triple leçon. D’abord, la confirmation que le virage pris par HHH à partir de Millenium Mambo (2001) semble définitif, et d’ailleurs le cinéaste ne s’en est jamais caché : désormais seul le présent l’intéresse. Et que Three Times se déroule sur trois époques n’y change rien, c’est du présent qu’il s’agit, un présent absolu et mouvant, celui dont Millenium Mambo était le manifeste. La deuxième partie, bien que muette, n’a rien d’une évocation historique, pas plus que la première : c’est davantage le présent éternel de l’amour, de la liberté, de la jeunesse. L’autobiographie et le portrait du passé sont désormais reformulés en incantation vaporeuse, métamorphose en germe depuis Good Men, Good Women. Ensuite, après le ratage de Café lumière, il semble que HHH emboîte le pas du cinéma asiatique d’aujourd’hui en s’intéressant de près, mais à distance feutrée, à toutes les alternatives de communication comme pour palier à l’aporie d’un cinéma tarte à la crème de l’incommunicabilité : ici musique, technologies, écrit sur écran, etc. Enfin, la troisième leçon, il faut en faire reproche à Hou : on comprend bien qu’il soit fasciné par Shu Qi, qui est la plus jolie fille du monde. Mais il paraît s’abandonner corps et âme à une contemplation éblouie, un peu stérile et passive, de la beauté (de son actrice, de ses plans). La première partie, avec ses couleurs sixties et « Rain and tears » à fond, ressemblerait à une parodie du glamour wong kar-waïen s’il n’y avait, bien sûr, la science et la puissance de la mise en scène de HHH. Et certaines scènes semblent uniquement motivées par le désir du cinéaste de voir la photogénie de son actrice éprouvée par tel ou tel éclairage. Ça reste léger, comme programme. Shu Qi est de tous les plans ou presque, et quand elle n’est pas là cherchez bien, vous la verrez en photo. Boulimie jolie qui fait de Three Times une longue extase photogénique. Une proposition, pas la plus passionnante, de cinéma luxueux.