Promis, murmure-t-on, à devenir le gros carton de cette fin d’année, Joyeux Noël n’est que le récit de son plan de financement, à savoir l’Europe vue comme agrégat consensuel de nations. Tout le monde a mis la main au portefeuille, de Londres à Bucarest, de Bruxelles à Paris, pour chanter le bien commun. Joyeux Noël commence plutôt pas mal : des cartes militaires, des enfants de tous pays déclamant des poèmes nationalistes en classe. Il raconte un épisode qu’il présente (ou plutôt ceux qui en font la pub) comme une absolue révélation : les brèves fraternisations entre soldats ennemis sur le front de la Grande Guerre (il semble bien, à ceux qui ont eu leur brevet des collèges, que cela comme les mutineries de 1917 n’est quand même pas un secret d’état). Chez Christian Carion, ça se passe comme ça : dans un bourbier de l’est de la France, un soir de Noël la musique fait son effet et réunit un moment des soldats allemands, écossais et français autour d’une cornemuse, d’un couple de chanteurs lyriques allemands et d’un peu de vin chaud. Bref cessez-le-feu qui culmine le temps d’une messe, ben voyons.
Le film est signé Christian Carion, l’auteur de l’épouvantable Une Hirondelle a fait le printemps, qui se complaît décidément dans le rase-mottes. Car en dehors de son internationale financière, de la fascination intacte pour la guerre de 14 (après Jeunet et Les Ames grises, Joyeux Noël est à la mode), et des vertus pas vertueuses du montage parallèle (outils vieux comme le monde d’une vision conservatrice de l’histoire), le film n’a rien à raconter. Absolument cohérent en cela, sans problème aucun, il n’est qu’un concentré d’émotion vraie, destiné qu’il est à faire pleurer les mémés. Dany Boon en neuneu chti meurt sous des balles absurdes -préparez vos kleenex. Les soldats un à un lèvent la tête au son de la cornemuse -vous imaginez l’émotion. Et puis toute réflexion, toute mise en scène est inutile tant le propos est joué (et gagné) d’avance. Et puis pensez deux minutes que si Kubrick avait été Christian Carion, Les Sentiers de la gloire eut été un téléfilm sans relief. Or ce n’est pas vraiment le cas, que l’on sache. Le film de Kubrick tenait un discours pas plus complexe que celui de Carion (la guerre c’est moche, ça rend fou et c’est toujours les mêmes qui paient), mais, petite différence qui fait toute la différence, il y avait un cinéaste à la baguette. Que l’on ne vienne pas nous reprocher après une quelconque insensibilité aux belles histoires, l’enfer aussi est pavé de bonnes intentions.