Un seul problème agite le cinéma de Bertrand Blier, depuis toujours, et le titre de son nouvel opus le dit bien : cherchez la pute. Une seule question : est-ce que oui ou non elles sont toutes les mêmes (sauf ma mère) ? Et les acteurs (film précédent), sont-ils des putes ? Et le cinéaste, est-il une pute ? Qui ne l’est pas ? Qui l’est ? Est-ce que tous les rapports humains au fond ne sont pas des rapports marchands ? D’ailleurs ne dit-on pas le « commerce des hommes » ? Voyez tous les films de Bertrand Blier, ils ne parlent que de ça, c’est le truc de Mr. Blier. C’est fatiguant à la longue et pas très ragoûtant comme obsession et comme manière d’envisager la question.
Imaginez-vous le début de Combien tu m’aimes ? : un soir de pluie (et de brouillard), sur le trottoir, Bernard Campan promène son blues -saxo jazzy- et pose son oeil triste sur Monica Bellucci en vitrine. Elle, la pute, la beauté à vendre, la femme à portée de main et de portefeuille. Il entre au bar et propose à Monica de l’acheter à temps plein. Il vient de gagner au loto, dit-il, il est riche et veut s’offrir une femme sublime comme on s’achète une Ferrari, un luxe qui n’est pas pour les gens ordinaires comme lui. Elle accepte.
De son idée, petite, Blier tire moins une fable morale (sur ce qu’il veut : la cruauté des temps, la beauté vraie, etc.) qu’il ne tente laborieusement de resservir une recette poussiéreuse de surréalisme sauce franchouillarde, aussi vive qu’un vieux steak sur un Buffet froid. Depardieu joue le souteneur, le gangster, ses répliques sont aussi périmées que son costard, Campan est au bord des larmes à la moindre vision d’une épaule de Bellucci, et ce cirque baigne dans une autosatisfaction cynique et revenue de tout assez insupportable. Le clou du spectacle ? Darroussin sur fond neutre déclame une interminable tirade aigrie sur la vie comme elle est triste, et comme on s’accroche à ce qu’on peut, c’est-à-dire à pas grand-chose. Soupe rance et performance qui file un tantinet la gerbe (le gras moment d’émotion sincère de la vie vraie + la rancoeur qui transpire + le côté « j’aime les acteurs »). Rien à sauver, dans ce film vulgaire, ou peut-être juste la fin, quelques plans sur une petite foule de danseurs où se repèrent quelques caméos à peu de frais. Cible facile, Blier ? Sans doute, tant sa tentative de retour au centre du cinéma français, entre auteurisme et popularité, semble aussi désespérée que son cinéma est miteux. Mais vu qu’il ne nous épargne rien, il n’y a rien à lui épargner.