Des autres films sur la Guerre d’Algérie, La Trahison se moque visiblement éperdument : le film de Philippe Faucon, par sa manière très pure d’aborder la question de l’engagement de certains jeune Algériens mobilisés du côté de la France, pourrait être le premier de tous tant il repose sur un geste à la transparence admirable. Des corps de soldats perdus au milieu de bleds silencieux, un espace absolument ouvert (quelque part dans le Sud-Est algérien), une question de stratégie aussi floue que soumise à des choix décisifs et tragiques : le vague de la situation dans laquelle se déploient la plupart des personnages, soldats, villageois, émissaires, contraste avec l’évidence factuelle du film, suite de petits rebondissements décrivant une sale guerre au travail.
Passé la force du dispositif mis en place, reste néanmoins l’échec de sa conversion en film total : la faute, principalement, aux limites du réalisateur Philippe Faucon, dont le regard -passionnant- semble constamment réfréné par la faiblesse de la mise en scène. L’attente, les silences, le jeu des apparitions et des disparitions, des retards ou des déclics soudains ont beau convoquer tout un cinéma de la minéralité et de la présence (force du travail sur les corps et les visages), quelque chose manque ici, qui serait de l’ordre d’une véritable organisation de cinéma. On songe bien sûr à Amos Gitaï, qui même dans ses films les plus caricaturaux et réalisés par dessus la jambe (Free zone), transpire de grandes scènes, laissant toujours échapper un plan ou une fulgurance : tout ce qui manque à La Trahison, qui dans son application demeure trop scolaire, trop rigide pour atteindre une véritable puissance.
Mais le geste est beau, et le film, malgré ses manques et ses faiblesses (interprétation catastrophique notamment, tout sauf due à ses comédiens amateurs), demeure touchant. Dommage simplement qu’une fois de plus un certain cinéma français empli de bonnes intentions se court-circuite par sa manière de ne pas vouloir y toucher : ainsi La Trahison peut-il être vu comme un antidote aux films de Pierre Schoendoerffer par exemple, bien que voisin dans sa tentative de docu-fiction (La 317e section). Néanmoins, son refus d’affronter la grande question du film de guerre ou historique comme genre à part entière en fait un objet intermédiaire et finalement peu décisif, voire fade.