Certains films n’ont d’intérêt que par rapport à leurs fantômes. Et ce qui habite Hantise, ce qui l’obsède jusqu’à la névrose et au rejet, c’est La Maison du diable de Robert Wise, dont l’œuvre de Jan de Bont est le remake quasi officiel (ils ont adopté le même roman de Shirley Jackson). Une seule question taraude le cinéaste : « Comment m’émanciper de mon ancêtre ? ». Réponse de Gus Van Sant : par une stricte et sublime mimesis (Psycho). Mais Jan de Bont préfère les solutions faciles et attendues. Hantise, film syndrome de l’effroi et de la lâcheté des réalisateurs néo-hollywoodiens devant l’absurdité de leurs tâches. Ici, il s’agit de retrouver l’efficacité horrifique d’un artisan d’autrefois. Mais c’est impossible : le film a déjà été fait. Alors, il faut tout mettre en œuvre pour rendre l’ennemi -trop parfait- méconnaissable. Les Majors n’ont pas d’idées, mais des millions de dollars à dépenser, condamnant ainsi de Bont à retravailler La Maison du diable avec cette inflation ingérable.
Les personnages et la situation de départ demeurent inchangés : un médecin travaillant sur les effets de la peur propose une fausse thérapie de groupe à trois insomniaques au sein d’un manoir lugubre ; mais des événements macabres et inattendus ne tardent pas à se profiler. En revanche, tout, autour de ce postulat, passe par l’hypertrophie, la surenchère, le trop-plein. Hantise souffre constamment de boulimie. Les figures sont sur-typées (outre le doc rassurant, une bombe sexuelle, un rigolo et une hyper-sensible) tandis que le décor lui-même croule sous sa démesure baroque. Au niveau du récit, le non-dit et l’ambiguïté de l’original ont disparu au profit de l’explicatif, du commentaire permanent (par exemple, le Dr David Marrow interprète scientifiquement les réactions de ses « cobayes » à l’aide d’un dictaphone). Le mystère lié aux phénomènes paranormaux devient limpide (la maison a une « histoire ») et, par là même, désamorce la peur. Dans le film de Jan de Bont, les spectres parlent et possèdent un visage, comme si rien ne pouvait échapper à la raison (et à la vision) humaine. Hantise relève donc d’une « angoisse cartésienne », ce qui produit un charme naïf et infantile (croire que tout montrer démultiplie les frissons) mais met aussi en évidence la conception pathologique du cinéma par un certain pan d’Hollywood (engraisser un film -en l’occurrence, celui de Wise- jusqu’à l’évider de sa beauté).