Toujours se méfier des bandes originales rutilantes, surtout quand elles sont avancées comme l’argument de vente d’un film et aussi comme l’assurance du côté « culte » des choses. Le côté culte des choses, c’est toujours peu ou prou du tape-à-l’oeil qui ne recouvre que des bulles vides. La B.O. de C.R.A.Z.Y., c’est du classique, de l’incontournable, du lourd étant données les époques balayées par le récit : Bowie, Pink Floyd, Rolling Stones. Donc, film de génération, qui par ces signes de ralliement tente de draguouiller un public ciblé, censé se reconnaître en ces amours de jeunesse, se souvenir qu’il s’est pris, un jour ou l’autre devant son miroir, pour Ziggy Stardust. Un peu comme ces soirées où l’on balance une pub Groquick ou un générique de Capitaine Flam pour rameuter tous ceux qui sirotaient leur chocolat chaud devant Récré A2.
En v.o. québécoise sous-titrée français, s’il vous plait : C.R.A.Z.Y. ne lésine pas sur les délicieuses particularités du langage fleuri de nos cousins d’outre-Atlantique, d’où un immédiat et curieux effet de dépaysement de proximité. Ce français que l’on comprend mal, y est pour beaucoup dans le plaisir que l’on prend à certaines scènes de ce film narrant la vie d’un jeune Québécois à l’orientation sexuelle indécise, entre sixties et eighties. Beaucoup de sophistication, dans la mise en scène du film, ou tout du moins un habillage (comme on dit à la télé) qui s’affaire du côté des unités simples (vignettes, saynètes, trucages), mais se complait certainement dans la pose. Beaucoup d’effets de manches, plutôt, dont la première conséquence est de construire, par leur accumulation, une mise en scène absolument lisible. Non pas transparente au sens classique du terme, mais simplement lisible, sans la moindre ambivalence, ce qui est très ennuyeux. Difficile alors de s’attacher à ces personnages, alors que le film prend le pari de s’étendre en plus de deux heures de métrage pour décrire les évolutions de chacun d’eux. Et C.R.A.Z.Y. ressemble à une bande-annonce, où l’image et la voix-off sont autant de redondances qui se replient l’une sur l’autre, effet nul, vue courte. S’il joue sur une sorte de cousinage avec La Famille Tenenbaum, Jean-Marc Vallée ne semble toutefois qu’être un sous-Wes Anderson de la Belle Province.