Il est parfois délicieux de se faire manipuler. De croire naïvement que l’on a toujours une longueur d’avance et de se rendre compte, au fur et à mesure du défilement de la pellicule, que l’on s’est fait avoir de bout en bout. Pourtant, à la fois le titre –Entre les jambes-, et le début -une réunion, semblable à celles des alcooliques anonymes, d’obsédés du sexe- faisaient craindre le pire. Le credo : « je suis malade, sexopathe, et j’ai besoin d’aide » laissait, en effet, présager un film racoleur à souhaits.
Le résultat est bien loin de la première impression. Entre les jambes se révèle être un thriller à tiroirs on ne peut plus passionnant. Le film débute par la rencontre entre Javier (Javier Bardem), un scénariste producteur friand de relations sexuelles par téléphone interposé, et Miranda (Victoria Abril), épouse d’un commissaire de police qui multiplie les aventures extraconjugales avec des inconnus. Mais celle-ci n’est que le point de départ d’une machination aux ramifications multiples. On ne sait plus qui manipule qui, lequel des personnages est « innocent », lequel est « méchant ». L’ensemble du film baigne dans une atmosphère étrange dont on a du mal à se détacher. Plus qu’ »entre les jambes » se serait plutôt « entre les oreilles », tant la part fantasmatique des personnages entre en ligne de compte. L’intrigue est inénarrable, le réalisateur prenant un malin plaisir à complexifier son histoire tout au long de son déroulement. A tel point qu’il se prend à son propre jeu et que la multiplication des rebondissements (en particulier le rebondissement final) finit par nous lasser un peu.
Malgré tout, Entre les jambes, thriller à l’influence hitchcockienne patente (jusque dans son générique, hommage non déguisé à Saul Bass) mérite amplement qu’on s’y attarde.