Avec Nathalie…, Anne Fontaine a atteint le pic de son cinéma présomptueux, une manière de roman-photo bourgeois sans la moindre profondeur. Mais l’épouvantable conformisme de l’esthétique chichiteuse de Fontaine ne serait rien s’il ne croulait sous un psychologisme neuneu à pleurer. C’est ce que confirme Entre ses mains, film plus humble dans sa forme mais qui trouve dans une intrigue digne du Tristan de Philippe Harel la matière d’une improbable rencontre : le film de psycho-killer accueilli à bras ouverts par la désormais fameuse constellation de la lobotomie heureuse. Claire, 30 ans, rencontre Fabrice, vétérinaire et séducteur compulsif qui finit par la séduire. Pendant ce temps, un mystérieux tueur décime la banlieue de Lille avec une régularité de métronome…
Le grand, l’énorme pari d’Entre ses mains, c’est bien sûr Benoît Poelvoorde dans un double-rôle de play-boy et de tueur potentiel qui tranche avec ses habituelles performances de chefaillons tyranniques et ringards. A vrai dire, cet argument promotionnel est sans doute la meilleure idée du film, l’acteur belge assumant très vite ses nouvelles fonctions et prenant rapidement le contrôle du récit. La relation qui s’installe entre Fabrice et Claire, malgré la mécanique assez lourde de la mise en scène de Fontaine, passe plutôt bien, en grande partie grâce à la fraîcheur de ses interprètes. A côté de Poelvoorde, Isabelle Carré brille d’un charme triste et diffus, offrant au film, en de rares séquences, un trouble et une puissance de fascination réelle. Dans cette catégorie, le film d’acteurs à la Française, Entre ses mains parvient à tenir son pari : c’est déjà ça.
Dommage alors que Fontaine ne puisse s’empêcher de sombrer, au moment où tout semble bien installé, dans les abîmes du faux thriller en carton : la machinerie du genre qui tenait de manière assez lâche l’intrigue se resserre dans le dernier tiers jusqu’à étouffer tout le reste, transformant l’ensemble en un mélange de film-choc discount à la Breillat (le meurtre de la meilleure amie de Claire, d’une sauvagerie nauséeuse) et de grotesque pince-sans-rire et coincé. Plus rien à sauver dès lors que la survie des deux comédiens dans un torrent de clichés (références à Psychose et psychanalyse de comptoir de bar-tabac), et avec eux une certaine idée du cinéma de haut standing à la Française : du caviar pour les cochons.