Après deux heures à écouter Les Silencieuses jacasser inlassablement, on aspire nous aussi à se réfugier dans « le pays du silence ». Finalement, ce n’est pas la moindre des réussites du film que de nous faire adhérer à son propos par l’expérience visuelle et auditive. On peut ainsi se rendre compte, en chair et en os devant l’écran, que souvent nous pouvons entendre un grand nombre de sons inutiles. Et on ajoutera à titre personnel : d’images également.
Curieusement, Les Silencieuses paraît calqué sur le format des téléfilms-ovnis du vendredi soir sur Arte. Une idée de fond pas trop mauvaise (mieux vaut être sourd qu’entendre éructer le monde), un zeste d’excentricité (malheureusement concentrée exclusivement sur l’hystérico-trisomico-attachante Dina Korzoun), noyés dans un capharnaüm quasi-insipide et dominé par une quasi-incohérence. C’est la nuance du « quasi » qui fait ici toute la différence. Elle constitue la spécificité des téléfilms d’Arte, de même qu’elle distingue ce film d’une autre indigestion de l’été.
Aliocha accumule les dettes de jeu, tandis que sa petite amie Rita poursuivie à sa place par la mafia s’escrime à les rembourser par amour. Elle va rencontrer Iaia, une sourde mal-parlante sur-expressive, qui va tenter de la convaincre de partir avec elle pour un monde imaginaire, « le pays du silence », afin d’échapper au calvaire de la société humaine. Mais est-ce suffisant comme échappatoire ? On peut en douter…
En tous cas, le film est manifestement marqué par une réjouissante misanthropie tolérante, car sans illusions ni exigences (Aliocha revendique avec raison son droit à être un salaud égoïste). Voilà pour le côté « quasi » des Silencieuses.
En ce qui concerne le reste, il alterne le mauvais et le moins bon dans une ahurissante fringale de figures d’un pittoresque grotesque. S’enchaînent pêle-mêle dans le tourbillon d’une mise en scène utilitaire limitée au développement de l’action, et sans motivation psychologique évidente ou solide, l’appartement-musée d’un artiste sculpteur disparu, la mafia sourde de Moscou, le vice du jeu, le sexe à vendre, l’amour naïf, une amitié jalouse, la haine des hommes. On pourra apprécier l’orgie, avec un entraînement spécifique afin de tenir la distance, pour peu que l’on soit habitué à regarder Arte le vendredi soir.